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Le changement suivant n’a pas été publicisé par la SAAQ, mais il ne sera plus possible d’immatriculer un véhicule en copropriété au Québec. Qu’en est-il au juste ?

Normand

Le nouveau système informatique de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) n’a pas fini de nous décevoir.

Parlez-en à Normand qui possède un véhicule en copropriété avec sa femme. Lorsqu’il a voulu s’inscrire au système SAAQclic, il ne voyait aucun véhicule à son nom. C’est ainsi qu’il a découvert qu’il n’est plus possible d’immatriculer un véhicule en copropriété, une décision prise pour simplifier la transition numérique.

Les automobilistes qui possèdent un véhicule à deux se retrouvent donc dans un cul de… SAAQ. La société d’État dénombre 130 000 véhicules immatriculés en copropriété non seulement par des couples, mais aussi par des parents avec leur enfant, des frères et sœurs, des partenaires d’affaires, par exemple.

Lors de l’achat, les copropriétaires doivent désormais identifier un seul titulaire de l’immatriculation qui sera aussi le seul à pouvoir effectuer des transactions relatives au véhicule auprès de la SAAQ, que ce soit en ligne ou en personne, comme l’explique un aide-mémoire préparé par la société d’État.

Qu’arrive-t-il à tous ceux qui possédaient un véhicule en copropriété avant le 27 janvier 2023 ?

Ils ne sont pas obligés de désigner un titulaire unique pour l’immatriculation. Sauf qu’ils ne pourront pas accéder aux services en ligne, à moins de se rendre dans un point de service pour désigner une seule personne responsable de l’immatriculation.

Normand est tombé de sa chaise quand il a appris ça. « Comme nous sommes mariés depuis 51 ans, nous avons l’impression de faire un retour en arrière, lorsqu’une femme ne pouvait pas être copropriétaire d’une maison », s’indigne-t-il.

La SAAQ se défend en disant que le certificat d’immatriculation n’est pas un titre de propriété.

« Seul le contrat de vente constitue une preuve de propriété, et ce, tant pour un véhicule neuf que pour un véhicule usagé, que la vente soit faite par un particulier ou par un commerçant », précise la porte-parole, Anne Marie Dussault Turcotte.

D’accord, mais le fait d’avoir un seul responsable de l’immatriculation peut quand même entraîner de sérieux dérapages.

Il faut savoir que le titulaire unique de l’immatriculation sera désormais le seul à recevoir les communications avec la SAAQ. Pis : le titulaire unique pourra transférer l’immatriculation sans avoir à prouver le consentement du copropriétaire à la SAAQ.

En cas de rupture, le conjoint qui n’est pas inscrit au dossier risque donc de se retrouver dans le pétrin. « Comme l’achat d’un véhicule est une affaire majoritairement d’hommes, sans préjugés, c’est encore les femmes qui feront les frais de cette décision absurde du gouvernement », s’inquiète Normand.

Il a bien raison.

Imaginez le cauchemar : après une séparation, le conjoint titulaire de l’immatriculation pourra vendre le véhicule et empocher l’argent, à l’insu de son « ex ».

La SAAQ explique que l’« ex » qui s’est fait rouler pourra toujours intenter une poursuite civile devant les tribunaux, car l’autorisation de tous les copropriétaires inscrits sur le contrat de vente demeure requise lors de la vente d’un véhicule, d’un point de vue légal, même si la SAAQ ne fait plus de vérification.

En théorie, tout cela est vrai. Mais en pratique, poursuivre son « ex » en cour n’est pas une sinécure. Le processus est long et complexe. Et il n’y a pas de garantie de récupérer son argent en bout de piste, si la personne est insolvable.

Mieux vaut prévenir que guérir. Surtout que notre système de justice est complètement embourbé. Vaut mieux avoir un garde-fou à la SAAQ que d’être obligé d’appeler la remorqueuse quand la voiture est dans le champ.

Consultez l’aide-mémoire de la SAAQ