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Vous parlez souvent des “bienfaits” du transport collectif. Combien coûte réellement ce transport par kilomètre parcouru et par passager (construction, financement, opération et maintenance) en comparaison avec l’autopartage, par exemple ?

Pierre Trudeau

Plus de 6 milliards de dollars pour prolonger la ligne bleue du métro, 66 millions de dollars pour l’achat de 20 bus électriques, 584 millions de dollars pour la construction d’un garage de la STM rue Bellechasse…

Les sommes investies dans l’entretien, l’opération et le développement du réseau des transports collectifs frappent l’imaginaire.

« Est-ce de l’argent bien investi ? se demandent certains contribuables. Mon auto me coûte pas mal moins cher… »

Vrai, le réseau coûte cher à développer et à entretenir, mais il comporte un très grand nombre de bénéfices : il transporte davantage de gens, diminue le nombre de voitures sur les routes, contribue à diminuer les GES…

Le fait est que lorsqu’on compare le coût collectif des transports en commun au coût collectif de l’auto, on a tendance à laisser de côté bien des choses.

« Quand on regarde les coûts de l’automobile, on se livre souvent à une comptabilité malhonnête, estime Catherine Morency, professeure et titulaire de la Chaire en mobilité à Polytechnique Montréal. On oublie de comptabiliser les coûts d’opération qui sont souvent classés dans la catégorie “budget des ménages” alors que ce sont des dépenses liées à l’auto. »

Ce point de vue est entièrement partagé par Florence Junca-Adenot, professeure associée au département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM. « Au-delà du coût de l’auto, il y a les assurances, les frais d’entretien, l’essence, les pneus, le stationnement. Ensuite, il y a les coûts externalisés : la perte de temps dans la circulation, les GES, l’impact sur la santé et la sécurité. Et c’est sans compter le coût de l’entretien des routes qui est payé par nos taxes. C’est du 5 pour 1 en faveur des transports collectifs. »

Une étude réalisée en 2018 par Trajectoire Québec et la Fondation David Suzuki évaluait à 43 milliards de dollars (soit 11 % du PIB cette année-là) le coût annuel de l’utilisation de l’auto au Québec. À l’époque, le directeur de Trajectoire Québec avait qualifié cette somme de minimale car elle ne prenait pas en considération les coûts externalisés comme ceux reliés aux accidents de la route, à la pollution, etc.

En considérant tous ces impacts, on arrivait à la somme de 51 milliards de dollars, disait-il.

Enfin, on peut pousser l’estimation des coûts encore plus loin, ce que fait Jean Dubé, professeur à l’École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional de l’Université Laval et auteur d’une étude sur le coût total des déplacements dans la communauté métropolitaine de Québec.

M. Dubé note que le développement des transports collectifs a un impact positif sur la valeur immobilière. Un exemple : à Montréal, un condo à proximité d’une station de métro vaut plus cher qu’une maison en bordure d’un boulevard urbain ou d’une autoroute.

L’étalement urbain comporte lui aussi un coût que nous payons collectivement.

Bref, peu importe de quelle façon on aborde le problème, on arrive toujours au même résultat : l’utilisation de l’auto coûte plus cher individuellement ET collectivement à la société que le développement des transports collectifs.