Il a la réputation d’être un bulldozer, d’avoir la folie des grandeurs et de ne pas être « facile » en affaires. Mais il est aussi reconnu pour savoir mener le bateau à bon port. Et quel bateau !

Le mégaconcert symphonique dans le cadre du 375e anniversaire, en 2017, c’est lui. Diane Dufresne symphonique et Harmonium symphonique, c’est lui aussi. Riopelle symphonique, qui va voir le jour dans quelques semaines, c’est lui encore.

À 45 ans, Nicolas Lemieux joue dans la cour des grands. Il est l’un des plus importants producteurs d’évènements artistiques au pays. Celui qui carbure aux défis, qui préfère le titre de rêveur à celui de producteur, se désole toutefois de constater qu’il fait bande à part.

Aujourd’hui, tout va vite, tout se consomme vite et est vite jeté. Or, pour faire de grands projets, il faut voir à long terme. On ne rêve plus au Québec et je trouve ça triste.

Nicolas Lemieux

Nicolas Lemieux n’a pas connu l’époque des grands évènements, celle de la décennie 1970-1980, mais certaines conversations avec de vieux routiers de cette époque l’ont amené à déterminer l’une des embûches auxquelles se heurtent aujourd’hui les rêveurs comme lui.

« Au sein des gouvernements, tout est archi-segmenté. On veut tellement faire plaisir à tout le monde qu’on se retrouve avec une foule de petits programmes. À quelle porte doit-on frapper quand on a un projet étalé sur cinq ans ? Je fitte dans aucune des cases. »

L’homme persévérant qu’il a toujours été n’a plus envie d’attendre après Québec et Ottawa. Grâce à un « écosystème » qu’il a bâti, il fonce. Une dizaine de sociétés composent cette constellation, dont GSI Musique.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, LA PRESSE

Notre journaliste en compagnie de Nicolas Lemieux

Au fil du temps, il s’est constitué une équipe de gens talentueux auxquels il demeure fidèle. Quand Nicolas Lemieux prend quelqu’un sous son aile, c’est du solide. Combien de fois m’a-t-il fait l’éloge de Diane Dufresne ou de Serge Fiori ? Il y a quelques jours, on a appris que Ginette Reno rejoignait ses rangs. C’est sûr, de grands projets émaneront de cette nouvelle association.

Nicolas Lemieux est un gars d’équipe. Mais attention, les idées viennent d’abord de lui. « Je l’admets, je suis coriace. Je ne fais aucune concession sur la vision que j’ai au départ. Si tu adhères à cette vision, tu entres dans le cercle. Sinon, vaut mieux pas. Après ça, je suis ouvert aux idées. Je deviens le livreur de beurre. »

Vendeur de cartes de hockey

Mon premier contact avec Nicolas Lemieux, il y a quelques années, s’est très mal passé. J’étais directeur de l’information et il avait appris qu’une journaliste voulait sortir une primeur concernant un de ses projets sans son consentement. Il était furieux. On s’est engueulés et nous en sommes venus à une entente.

Tu découvres vite que tu n’échanges pas avec Nicolas Lemieux, tu négocies.

Chaque fois qu’il lance un projet, d’importants risques financiers sont en jeu. Et chaque fois, il repense à ses débuts de jeune producteur lorsque, à 19 ans, il a produit le spectacle, le disque et l’émission de télévision Les divas du Québec. Il a vu grand, mais il a fait de mauvais calculs. Résultat, il s’est retrouvé avec un déficit de 500 000 $.

« Je suis allé voir mon père qui m’a dit d’arranger ça avec mon banquier, raconte-t-il en riant aux éclats. Je me suis dit que c’était ce que je devais débourser pour entrer dans le monde du showbiz. »

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Nicolas Lemieux

Cette entrée dans le cénacle, Nicolas Lemieux l’attendait depuis l’âge de 12 ans, période où il vendait des cartes de hockey dans les marchés aux puces de Québec. « J’ai appris le trade, la valeur de l’argent et le service à la clientèle [...] J’avais deux rêves : devenir le directeur général des Nordiques de Québec ou le prochain René Angélil. »

Quand, en 1995, le rêve des Nordiques part en fumée, il se tourne vers son autre objectif. À 17 ans, contre le gré de ses parents, il met le cap sur Montréal. Le premier soir, dans sa petite chambre de Saint-Laurent, l’adolescent réalise l’étendue de sa décision. « Il y avait un futon et une armoire dans laquelle se trouvait un dictionnaire. Je l’ai ouvert et je suis tombé sur le mot “sphère”. »

C’est le nom qu’il donnera à sa première entreprise, une agence de mannequins. Il est alors constamment entouré de jolies filles. Il découvre la vie nocturne montréalaise, les bars gais et underground. « Des gens pensaient que j’étais un pimp. »

Il s’inscrit à L’Académie du design pour obtenir un diplôme. Dans un cours, Salvatore Parasuco, propriétaire de la célèbre marque de jeans, le remarque. Il fait de Nicolas Lemieux son responsable des évènements spéciaux. « Il a été un mentor extraordinaire. Il m’a appris à avoir un œil de lynx. Louis Garneau et Guy Latraverse ont été des modèles également. »

Un monde extrêmement compétitif

Ce qui est fascinant, c’est que celui qui me parle avec passion de cet univers dans sa maison de la Rive-Sud entretient très peu de relations avec les gens du milieu. En 25 ans, il est allé une fois au Gala de l’ADISQ.

Le flash, ce n’est pas moi. Ce qui m’intéresse, c’est faire triper le monde avec mes projets.

Nicolas Lemieux

Ce milieu, Nicolas Lemieux le connaît maintenant sous toutes ses coutures. Il sait de quoi il est fait. Et comment il peut te défaire. « Dans le showbiz, il n’y a personne qui va te faire de la place. C’est toi qui dois la prendre. »

Après 25 ans de métier, plus rien ne semble l’arrêter, pas même se réapproprier le mont Royal 50 ans après les grands rassemblements préréférendaires et d’y convier 90 000 personnes pour Montréal symphonique, le happening qui a réuni trois orchestres symphoniques : l’OSM, l’Orchestre Métropolitain et l’Orchestre symphonique de McGill, en 2017. « J’ai dû négocier avec la Ville de Montréal, Les Amis de la Montagne, le fédéral, le provincial, le secteur aérien... Tout est fait pour qu’il ne se passe plus rien sur la montagne aujourd’hui. »

À cette occasion, il observe la réaction de certains bébés. Cela lui donne l’idée de faire le projet Bébé symphonique, un disque, un album de photos et un évènement sonore et visuel appelé à voyager dans le monde. On voit là ce qui caractérise ce rêveur singulier. « Il y a une part d’insouciance chez moi. C’est ce qui me permet de rêver grand. »

Contrairement à d’autres producteurs qui gardent jalousement pour eux les secrets de leur métier, Nicolas Lemieux aime faire partager à la jeune génération le fruit de son expérience. C’est pourquoi il n’hésite pas à embaucher des gens qui n’ont aucune expérience dans ce domaine.

« Je suis prêt à faire beaucoup de choses pour un jeune qui a du talent et qui est capable de réfléchir. La culture, c’est une affaire de relai. Elle raconte sans cesse notre histoire. Il faut apprendre à partager et à cesser de travailler en silo, il faut casser de vieux moules comme ceux des radios commerciales – c’est scandaleux, ce qui s’y passe ! C’est comme ça qu’on va sauver notre langue et notre culture. »

Riopelle symphonique

Cette création musicale de Serge Fiori et de Blair Thomson, inspirée de l’univers du peintre Jean Paul Riopelle, sera créée les 16, 17 et 18 février à la salle Wilfrid-Pelletier dans le cadre de Montréal en lumière. L’œuvre sera interprétée par l’Orchestre symphonique de Montréal sous la direction d’Adam Johnson.

Questionnaire sans filtre

Le café et moi : Je l’aime noir. J’aime son odeur. Encore plus, j’aime croquer les grains de café. Le soir, on y rajoute du Bailey’s et plein de crème fouettée.

Le dernier livre que j’ai lu : La biographie de Ginette Reno qui sortira en mars prochain. Incroyable ! Quelle vie !

Les gens que j’aimerais réunir à table, morts ou vivants : Madonna, Marilyn Monroe, Julia Roberts, Linda Evangelista, Diane Dufresne, Ginette Reno, Naomi Campbell, Céline Dion, Whitney Houston et Aretha Franklin. On jouerait à Vérité ou conséquence. À la fin de la soirée, je demanderais à Ginette et Aretha de chanter en duo Natural Woman.

Les qualités que j’aime chez les autres : La franchise, la générosité et l’authenticité. Pas de temps à perdre. J’aime le vrai. No bullshit !

Ce que je déteste par-dessus tout : La guerre, le racisme l’homophobie, l’hypocrisie, le non-respect des femmes ou des gens différents, les armes à feu, le Parti conservateur du Canada, Donald Trump, Vladimir Poutine et les cons sur les réseaux sociaux. Je n’aime pas le poisson non plus.

Qui est Nicolas Lemieux ?

  • Originaire de Québec, il fait ses premières armes en vendant et échangeant des cartes de hockey dans des marchés aux puces.
  • Au seuil de la vingtaine, il crée sa première entreprise, Sphère, spécialisée dans le mannequinat.
  • Pour Parasuco Jean, il produit un grand évènement en compagnie de Wyclef Jean à Las Vegas.
  • En 2010, il fait l’acquisition de GSI Musique et devient du coup gestionnaire de plusieurs catalogues, dont celui de Diane Dufresne.
  • Lors des célébrations du 375e anniversaire de Montréal, il produit Montréal symphonique. Près de 400 musiciens accompagnent Daniel Bélanger, Rufus Wainwright, Isabelle Boulay, Pierre Lapointe, Wyclef Jean et plusieurs autres.