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Raif Badawi est sorti de prison après avoir purgé sa peine en Arabie saoudite. Selon certaines sources, il ne peut quitter le pays, car il n’a pas la citoyenneté canadienne. La Chambre des communes et le Sénat ont adopté une motion pour reconnaître Raif Badawi comme citoyen canadien. Que se passe-t-il ?

Richard Champagne

Raif Badawi vit, depuis 10 ans, un véritable calvaire… qui est tout sauf terminé.

En 2012, il avait été condamné à 1000 coups de fouet et 10 ans de prison pour avoir osé faire part de ses opinions politiques (au sujet de la religion et des droits des femmes, par exemple) sur un blogue.

Ce qu’on mentionne moins souvent, c’est qu’en vertu du jugement rendu, on lui interdisait aussi de quitter l’Arabie saoudite pendant 10 ans à partir du moment où il aurait fini de purger sa peine de prison.

C’est la raison pour laquelle il ne peut pas venir rejoindre sa femme et ses enfants, qui sont à Sherbrooke. Il demeure piégé par le régime saoudien.

Parlons maintenant des motions. Il y en a effectivement eu deux, adoptées l’an dernier à Ottawa, pour qu’on lui accorde la citoyenneté canadienne.

La première avait été déposée par le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, à la Chambre des communes, et la deuxième par la sénatrice indépendante Julie Miville-Dechêne, au Sénat.

Mais le gouvernement fédéral n’a pas encore agi en ce sens. Le député du Bloc québécois Alexis Brunelle-Duceppe le déplore. Il estime que l’heure est venue d’accorder la citoyenneté canadienne à Raif Badawi. « Ses enfants, sa femme et ses avocats le demandent », lance-t-il.

Le parlementaire explique que si Raif Badawi était citoyen canadien, il pourrait notamment bénéficier de services consulaires — qui seraient offerts par des pays alliés puisqu’Ottawa n’a pas d’ambassade en Arabie saoudite.

En revanche, même si Raif Badawi avait déjà eu la citoyenneté canadienne, « ça n’aurait rien changé au fait qu’il puisse partir d’Arabie saoudite parce que ça fait partie de sa peine », précise Alexis Brunelle-Duceppe.

Colette Lelièvre, d’Amnistie internationale, estime aussi que les avantages liés à l’attribution éventuelle de la citoyenneté canadienne à Raif Badawi sont limités.

« Ça remettrait les projecteurs sur le dossier, mais ça ne jouerait peut-être pas tant que ça dans les négociations », dit-elle. D’autant que « l’Arabie saoudite ne reconnaît pas la double citoyenneté ».

Le meilleur espoir de Raif Badawi demeure donc la diplomatie. C’est la seule véritable solution potentielle pour le faire sortir d’Arabie saoudite et l’accueillir au Canada. Négocier avec le régime du prince héritier Mohammed ben Salmane.

Mais deux choses doivent être signalées à ce sujet. Premièrement, Mohammed ben Salmane semble se soucier des droits de la personne autant que des dictateurs comme Kim Jong-un ou Bachar al-Assad. C’est-à-dire pas du tout.

Il a même été mis en cause dans l’assassinat atroce du journaliste Jamal Kashoggi, démembré dans un consulat d’Arabie saoudite en Turquie en 2018. Ça en dit long sur sa véritable nature.

Deuxièmement, il a généralement le gros bout du bâton dans ses relations diplomatiques. Son pétrole et son argent viennent souvent à bout des principes moraux des pays les plus vertueux.

Il s’agit d’obstacles importants, mais ça ne signifie surtout pas qu’il faille, au Canada et ailleurs dans le monde, cesser de s’indigner et de se mobiliser pour que justice soit rendue.