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Les taux d’intérêt hypothécaires montent en flèche à la suite de la hausse du taux directeur de la Banque du Canada. C’est mon poste budgétaire le plus important. Comment la hausse du taux directeur de la Banque du Canada aide-t-elle à baisser l’inflation ? Car l’inflation nous affecte le plus par la hausse de notre hypothèque.

Pierre Tremblay

Pourquoi augmente-t-on les taux d’intérêt hypothécaires pour lutter contre l’inflation alors que cette hausse des taux contribue aussi à hausser votre paiement hypothécaire ?

La réponse express : croyez-nous, la Banque du Canada ne joue pas avec son taux directeur pour le plaisir. La dernière chose que vous voulez à long terme, c’est une économie où l’inflation est hors de contrôle à moyen et à long terme. En haussant le taux directeur (historiquement très bas depuis des années), la Banque du Canada prend la bonne décision dans les circonstances.

On a tendance à l’oublier parce qu’on n’a pas eu de problèmes avec l’inflation depuis les années 1980, mais contrôler l’inflation est un gage de stabilité très important pour l’économie. C’est la tâche de la Banque du Canada à travers sa politique monétaire.

Si l’inflation est trop élevée et qu’on ne fait rien, il y a des risques de tomber dans une spirale inflationniste : les prix augmentent rapidement, les gens consomment immédiatement et épargnent peu, l’économie surchauffe, les gens voient leur pouvoir d’achat s’éroder et perdent confiance en l’économie.

À l’opposé, on ne veut pas non plus une inflation négative (déflation), qui décourage la consommation et provoque une récession.

« On estime qu’à une inflation avoisinant les 2 %, on contre les risques de récession et de surchauffe de l’économie. On équilibre bien les risques », dit l’économiste Pierre Emmanuel Paradis, président de la firme AppEco. La Banque du Canada tente de contenir l’inflation entre 1 % et 3 %.

Au Canada, l’inflation est actuellement à 7,0 % (sur 12 mois).

Depuis mars 2022, la Banque du Canada, qui tente de ralentir l’inflation, a augmenté son taux directeur de 3,0 points de pourcentage, le faisant passer de 0,25 % à 3,25 %.

Comme les taux des institutions financières suivent la tendance du taux directeur, les taux hypothécaires ont augmenté cette année, au grand dam des propriétaires qui doivent renouveler leur hypothèque. À titre d’exemple, depuis un an, le taux fixe pour une hypothèque de cinq ans (taux fermé) est passé de 2,24 % à 5,54 % chez Desjardins.

Sur une hypothèque de 320 000 $ (prix médian d’une maison au Québec de 400 000 $, moins la mise de fonds de 20 %) sur 25 ans, le paiement hypothécaire mensuel passe de 1392 $ à 1961 $. Ça coûte 569 $ de plus par mois.

Et ce n’est (sans doute) pas terminé : pour contrôler l’inflation, Desjardins prévoit que la Banque du Canada haussera son taux directeur de 0,5 point de pourcentage d’ici la fin de l’année, pour en arriver à 3,75 %. Ça signifierait une nouvelle hausse des taux hypothécaires.

Et ça fonctionne, cette théorie de hausser les taux d’intérêt pour faire diminuer l’inflation ? Généralement, oui. « En haussant les taux, on donne moins le goût aux gens de dépenser et davantage le goût d’épargner. Les gens consomment moins, ça nourrit moins l’inflation, et celle-ci finit par diminuer », explique l’économiste Pierre Emmanuel Paradis.

Une conséquence inévitable de cette stratégie : certains propriétaires immobiliers voient leurs paiements hypothécaires augmenter, comme vous le faites remarquer dans votre question.

Ce n’est pas tout le monde qui voit son paiement hypothécaire augmenter immédiatement. Les propriétaires avec des hypothèques à taux fixe ne subissent pas de hausse avant la fin du terme de l’hypothèque (par exemple cinq ans).

Pour beaucoup de ménages, le paiement hypothécaire est le poste de dépenses le plus important. Mais pas pour tous. Selon Statistique Canada, les ménages propriétaires consacrent en moyenne 15 % de leur consommation totale au logement (ce chiffre comprend les propriétaires qui ont fini de payer leur hypothèque).

Pourquoi les hausses de taux au Canada en 2022 n’ont-elles pas diminué immédiatement l’inflation ?

Premièrement, ça prend toujours un peu de temps.

En plus, cette fois-ci, les deux tiers de l’inflation sont attribuables, selon la Banque du Canada, à deux facteurs internationaux : la hausse mondiale du prix du pétrole (conséquence de la guerre en Ukraine) et les problèmes d’approvisionnement (conséquence de la pandémie, notamment en Chine). La Banque du Canada n’a pas de contrôle sur ces deux facteurs qui — on l’espère — finiront par se résorber. La Banque du Canada a davantage de contrôle sur l’autre tiers de l’inflation liée à la vigueur de l’économie et de la consommation au Canada.

Pour 2023, Desjardins prévoit une inflation moyenne de 3,3 % au Québec, par rapport à 6,7 % en 2022. Les prix augmenteraient donc encore de 3,3 % en 2023.

On ne veut toutefois pas vous faire de cachette : en voulant ralentir l’inflation, on ralentit aussi la croissance économique. C’est pourquoi beaucoup d’économistes pensent qu’on entrera en récession — qu’on espère légère et courte — en début d’année 2023. Les économistes du Mouvement Desjardins prévoient une récession au Canada pour les six premiers mois de 2023.

À court terme, c’est peut-être frustrant de voir son paiement hypothécaire augmenter.

À long terme, une spirale inflationniste ferait beaucoup plus de dommages à votre portefeuille.