L’exercice est pratiquement impossible à faire et pourtant, nous l’avons imposé aux photographes de La Presse : parmi les (dizaines de) milliers d’images qu’ils ont prises depuis le début de leur carrière, quelles sont les dix qui ont été les plus marquantes ? Un choix déchirant et très personnel. Edouard Plante-Fréchette s’est prêté à l’exercice.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Novembre 2016 — Mossoul, Irak
La poussière a à peine le temps de retomber entre le passage des Humvees de l’armée irakienne qui évacuent les victimes et ceux qui retournent au front. Le groupe État islamique, qui a terrorisé l’opinion mondiale et les populations soumises à son emprise, est en train de perdre le contrôle de Mossoul, sa capitale en Irak. Hommes, femmes, enfants et soldats se succèdent sur les civières de ce petit centre de triage. Crayon à la main, cet officier irakien s’apprête à identifier le corps de l’un de ses compatriotes abattu par un tireur embusqué.

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Novembre 2016 — Mossoul, Irak
Tandis que les combats entre le groupe État islamique et les soldats de l’armée irakienne font rage à Mossoul, les civils tentent de fuir par tous les moyens. Cela fait plus de deux ans qu’ils vivent sous l’emprise du groupe terroriste. Après une vingtaine de kilomètres de marche dans le désert, ils ont finalement atteint les positions kurdes. Ils seront des dizaines de milliers à devoir rebâtir leur vie dans un camp de réfugiés.

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Janvier 2013 — Kuujjuarapik, Nunavik
Voilà une image qui s’est toujours imposée à mes yeux. On n’y voit ni les visages ni la proie des chasseurs. Pourtant, l’instant est parfaitement suspendu et une douce tension émerge de ce tableau capté au cours d’une chasse au phoque à Kuujjuarapik. Les chasseurs n’avaient plus que deux balles quand l’une d’elles a atteint un phoque sorti prendre une bouffée d’air à la surface. Malheureusement pour eux, les changements climatiques leur ont dérobé la proie. Les hivers étant plus chauds qu’avant, l’eau douce de la rivière devient plus abondante à proximité de la côte. Et avec une salinité de l’eau moins élevée, les proies coulent souvent au fond de l’eau.

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Janvier 2013 — Kuujjuarapik, Nunavik
Thomas Weetaltuk a vécu de nombreuses années d’itinérance à Montréal. C’est pendant cette période que j’ai fait sa connaissance. Au fil des années, Thomas est devenu un ami et m’a raconté les moments les plus difficiles de sa vie. Malheureusement, son parcours est loin d’être unique. Après des années de démarches judiciaires, il a finalement eu gain de cause dans une action collective contre un prêtre agresseur. Laissant l’alcool et la rue derrière lui, il est retourné vivre dans sa famille et sa communauté, au Nunavik. À son retour là-bas, il est devenu l’aidant naturel de sa mère et a repris contact avec son fils et ses petits-enfants.

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Mai 2012 — Montréal
En plein printemps érable, la manifestation anticapitaliste du 1er mai 2012 vire vite à l’émeute. Comme tout le monde, je cours à gauche et à droite. Policiers et manifestants sont assez dispersés au moment où la manifestation tire à sa fin. J’assiste alors à une arrestation qui semble complètement aléatoire et arbitraire. À en juger par la réaction des amis de celui qui se prend un poing en plein visage, on peut se demander si le policier a bien choisi sa cible.

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Juillet 2016 — Montréal
C’est un des rares moments dans ma carrière où j’ai vu des gens de tous les horizons s’unir avec tant de force et d’espoir pour une cause. Cet été-là, le mouvement Black Lives Matter arrive finalement à Montréal. Les manifestants réunis dans la métropole ce jour-là ne sont pas très nombreux, mais leur intensité, pacifique, a fait de cette manifestation un moment particulier.

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Octobre 2013 — Mauritanie
Après avoir grandi comme esclave dans une famille qui n’est pas la sienne, Noura Mint Ahmed a fui ses maîtres à 18 ans. Elle avait reçu une correction de trop. Malheureusement, l’esclavage reste fréquent dans ce pays africain de 4,65 millions d’habitants.

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Octobre 2012 — Alep, Syrie
Cette photo n’est pas parfaite, elle a même plein de défauts, mais je l’ai choisie pour parler de ces gens uniques que nous croisons en reportage. Le DOsman, que nous avons rencontré à Alep et que nous voyons ici soigner un jeune garçon victime d’un bombardement du régime syrien, est l’une de ces personnes marquantes. Il a été emprisonné et torturé par les forces de Bachar al-Assad, puis menacé par les extrémistes religieux. Malgré tout, il travaillait sans relâche dans ce qu’il restait de l’hôpital Dar al-Shifa à Alep, ciblé plus d’une dizaine de fois par les avions du régime.

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Septembre 2012 — Alep, Syrie
Il y a de ces moments qu’on aurait préféré croire impossibles. Comment expliquer le sourire de cet adolescent syrien qui traverse à la course une rue gardée par un tireur embusqué du régime de Bachar al-Assad ? Le jeune homme faisait ses courses, tout près d’une ligne de front dans un quartier résidentiel d’Alep. Une ligne que nous n’avons pas traversée.