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Pourquoi les pays de l’OTAN acceptent-ils de fournir des armes à l’Ukraine, mais pas des avions militaires ?

Pierre Fradette

C’est une excellente question, d’autant plus que le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, avait annoncé à la fin du mois de février que des avions de combat seraient mis à la disposition de l’Ukraine pour contrer l’invasion russe.

« Le chef de la diplomatie ukrainienne Dmytro Kouleba a dit avoir besoin d’avions que les Ukrainiens peuvent piloter. Certains États membres disposent de ce genre d’avions et nous allons les fournir avec d’autres armements nécessaires à une guerre », avait-il déclaré.

Mais dès la deuxième semaine de mars, lorsque la Pologne a fait savoir qu’elle était prête à expédier des avions que peuvent piloter les militaires ukrainiens (des Mig-29) sur une base américaine en Allemagne pour qu’ils puissent ensuite s’envoler vers l’Ukraine, le Pentagone a fermement rejeté l’offre.

Quant à la Pologne, elle ne voulait pas que les avions décollent de son territoire vers l’Ukraine, de crainte d’être la cible de représailles de la part de Moscou.

Cette timidité, tant de la part des Américains que des Polonais, s’explique par la nature même des avions de chasse, indique Justin Massie, qui enseigne au département de science politique à l’UQAM.

Contrairement aux autres armes livrées à l’Ukraine par ses alliés occidentaux, « un avion de chasse a à la fois une capacité défensive et offensive. Et jusqu’à présent, la ligne de conduite des Américains et de l’Union européenne est de ne fournir que des armes défensives à l’Ukraine, pour ne pas provoquer une escalade de la violence », résume-t-il.

« Aujourd’hui, personne ne franchit cette limite parce qu’il est évident qu’elle caractérise une cobelligérance », a résumé Emmanuel Macron la semaine dernière, lorsque de nombreux dirigeants étaient réunis à Bruxelles pour un sommet de l’OTAN et un G7.

Il est toutefois important de savoir que ces avions de combat, réclamés par l’Ukraine pour l’aider à ne pas perdre le contrôle du ciel aux mains des forces russes, ne représentent pas la seule solution à ce problème crucial.

Même que « ce n’est pas clair qu’il s’agit de l’arme la plus importante pour aider les Ukrainiens à vaincre la Russie », précise Justin Massie.

L’armée ukrainienne disposerait encore de plusieurs avions qui n’ont pas été détruits par les forces russes (selon un reportage du New York Times, en date du 22 mars, ils effectueraient de 5 à 10 sorties par jour). Par ailleurs, des armes de défense antiaérienne « plus sophistiquées » que celles dont l’Ukraine se sert actuellement pourraient être encore plus utiles, explique l’expert.

C’est d’ailleurs ce qu’a récemment décidé d’offrir Joe Biden au régime du président Volodymyr Zelensky. On parle ici plus spécifiquement de systèmes antiaériens S-300.

PHOTO COSTAS METAXAKIS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Système de défense S-300 semblable à ceux que les États-Unis veulent offrir à l’Ukraine

Il s’agit, selon l’Agence France-Presse, de batteries antiaériennes mobiles qui « sont chargées sur des camions » et « se déclenchent automatiquement lorsqu’une menace est repérée ».

Cela dit, les débats se poursuivent au Congrès américain. Certains militent toujours, notamment au sein de la commission des Forces armées de la Chambre des représentants, pour que des avions de combat soient expédiés coûte que coûte au régime du président Zelensky.

L’affaire est donc complexe, mais le dossier n’est pas entièrement clos.