Certains ont vu leur amour grandir, d’autres, au contraire, l’ont vu s’éteindre. Après près de deux ans de pandémie, quatre couples racontent la façon dont ils ont vécu les derniers mois. Témoignages.

Le bonheur dans le chaos

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Thomas Cockburn, Anne-Sophie Schlader et leurs trois enfants, l’aînée Rose, Oscar et une « surprise » de pandémie, Olivia

« On va bien ! », disent en riant les jeunes parents en chœur. Même qu’ils n’ont peut-être « jamais été aussi bien ».

Dur à croire, quand on sait à quel point Anne-Sophie Schlader (36 ans) et Thomas Cockburn (40 ans) ont été plongés, du jour au lendemain, dans le cocktail explosif qu’on sait : confinement, télétravail, avec deux jeunes enfants (et une troisième « surprise » pandémique) en prime.

« Je n’aurais pas dit ça au début de la pandémie. C’était plutôt : où je signe pour divorcer ? », dit-elle à la blague. Mais deux ans plus tard, elle le sait : « Dans tout, le plus difficile, c’est l’adaptation. »

Il faut dire que le couple est ensemble depuis 20 ans. Alors les défis, ils connaissent. Ici ? Le télétravail aidant, « des murs sont tombés », avance son conjoint, Thomas Cockburn. En se voyant soudainement et à temps plein au quotidien, lui dans son rôle de père et de travailleur (finances), elle dans celui de mère et de travailleuse (communications), jonglant entre la routine de la vie ici et une vidéoconférence là, ils ont « appris à se donner du crédit ». « On a un nouveau respect l’un pour l’autre ».

« Pour moi, ça fait partie de ce qui fait du bien au couple : quand tu admires l’autre », confirme sa conjointe, qui jouit depuis la pandémie d’un café au lit quotidien (qui dit mieux ?) parce que « c’est moins le rush le matin » !

Et mon respect et mon admiration sont encore plus grands, du fait de se voir dans la routine avec les enfants et comme amoureux…

Anne-Sophie Schlader

Le couple a aussi appris à respecter ses limites, osant demander de l’aide aux grands-parents ou à une voisine, une fois les enfants couchés (pour faire ne serait-ce qu’une marche pour se retrouver, « et c’est arrivé plusieurs fois ! »), ou se donner une heure pour souffler. Pas n’importe quand : « Là, en plein chaos. Prends du temps pour toi », se disent-ils quotidiennement, chacun leur tour.

Mais pas trop souvent non plus : « On se donne de l’air, mais on aime vraiment être ensemble ! […] On est vraiment fusionnels ! […] On aime ça, nous, être l’un sur l’autre ! »

Silvia Galipeau, La Presse

À quelques jours du déménagement

« On fait de petits travaux. Je l’aide à m’effacer de la maison. C’est bizarre, mais c’est correct », affirme Carine Ledoux. Dans quelques jours, elle quittera la résidence où elle habite avec Maxime Caron et leurs deux jeunes enfants pour un appartement. Après 11 ans de relation, le couple se sépare.

« C’est ma décision », raconte la mère de famille, en évoquant « un amalgame de petits irritants qui prenaient de plus en plus de place au quotidien ».

La pandémie a-t-elle joué un rôle dans l’accumulation de frustrations ? « Certainement, répond Carine Ledoux, surtout au niveau de l’horaire. Puisque mon horaire était flexible [contrairement à celui de son ex-conjoint], j’écopais à toutes les fermetures de garderie ou d’école. […] Je n’ai pas arrêté de travailler. Mon horaire s’est juste déplacé pendant la nuit, quand les enfants dormaient. »

« C’était très difficile mentalement et physiquement », ajoute-t-elle.

Maxime Caron, à qui nous avons parlé séparément, a-t-il remarqué que la relation battait de l’aile ? « Je savais que c’était plus difficile, mais pour moi, c’était normal. Je me disais que dans le contexte et avec de jeunes enfants, c’était normal, répond-il. Je n’ai pas l’impression qu’elle a su exprimer ses mécontentements d’une façon que je comprenais. »

L’impossibilité de voir ses proches autant qu’elle l’aurait voulu dans les deux dernières années a aussi eu un impact sur Carine Ledoux et, par ricochet, sur son couple.

J’ai toujours été plus sociable que lui. J’aimais sortir, lui moins. Avec la pandémie, cette différence s’est exacerbée. C’était de plus en plus difficile d’être à la maison avec lui tout le temps, avec une énergie différente. Tout devenait pour moi un irritant.

Carine Ledoux

Malgré quelques séances de thérapie de couple, Carine Ledoux a choisi de mettre un terme à la relation. « J’ai accepté que c’était fini », affirme son ancien partenaire, même s’il est « encore un peu amer » et qu’il aurait aimé « avoir la chance de régler les choses ». « Ce que je souhaite maintenant, c’est qu’on maintienne une bonne relation pour les enfants. Ça demeure eux, la priorité. »

Carine Ledoux abonde dans le même sens. « Ce sera bien fait pour les enfants. C’était vraiment l’objectif premier. »

Un duo solide né durant la COVID-19

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Marie-Dominique Duval et Edith Doyon se sont rencontrées au cœur de la première vague. Malgré la succession des variants, des confinements et des multiples défis du quotidien, leur union est plus que jamais immunisée.

L’an passé, nous vous avions présenté quatre couples formés en pleine pandémie. L’amour au temps du corona est-il toujours à l’agenda ? Avis aux prophètes de malheur, qui avaient prédit que ces duos s’étioleraient rapidement : la flamme brûle plus que jamais entre Edith Doyon et Marie-Dominique Duval. S’étant formée en avril 2020, leur famille recomposée, avec quatre enfants, résiste contre virus et marées.

Pourtant, bien des épreuves se sont présentées, entre le déménagement à Magog, la gestion de la smala, les confinements, les gardes d’enfants décalées, elles-mêmes compliquées par des horaires de travail atypiques (Edith est répartitrice dans un poste de police et souvent appelée à travailler le soir ou la nuit)…

Il y a eu beaucoup d’adaptation, avec, comme toute famille reconstituée, plein de défis à relever, surtout en contexte de COVID. Mais de les surmonter ensemble, cela a solidifié notre couple.

Marie-Dominique Duval et Edith Doyon

Quels sont les ingrédients du succès ? D’abord, la sacro-sainte communication. « Je donne un cours de communication interpersonnelle, donc j’essaie de ne pas être cordonnière mal chaussée et d’appliquer ce que j’enseigne ! », souligne Marie-Dominique.

« On s’écoute, on prend le temps de bien nommer les choses, au bon moment, de se respecter dans ce qu’on vit. L’entraide, le soutien, l’accueil : je pense que ce sont les clés de notre succès », poursuit-elle.

PHOTO FOURNIE PAR EDITH DOYON

Le couple peut compter sur le plein air pour une meilleure respiration relationnelle. Ici, en pleine sortie à Pont-Rouge.

Pour elles, COVID-19 ou pas, la mayonnaise aurait pris quoi qu’il arrive. Le duo a aussi su tirer profit des avantages de la vie en région, un terreau particulièrement propice pour cultiver une relation nourrie d’une passion commune, le plein air. « C’est un gros plus d’avoir ce terrain, où nos enfants peuvent aussi jouer quand on est en confinement. Ça nous permet de respirer », soulignent-elles.

En ces temps où les projets sont ardus à édifier, ont-elles quand même des plans à l’horizon ? Continuer à charpenter leur couple… tout en lorgnant l’acquisition d’un chalet dans Charlevoix, en attendant que les prix baissent. Mais l’immobilier, c’est comme l’amour : ça peut rester haut perché pendant très, très longtemps…

Toujours unis, même sur des chemins séparés

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Rachel Laberge Mallette et Pedro Perez, fondateurs de l’entreprise Tout cru !

Rachel Laberge Mallette et Pedro Perez se sont rencontrés au Mexique en 2012. De leur amour et de leur installation au Québec est née l’entreprise Tout cru !, qu’ils ont fondée en 2015, sans se douter de tous les défis qui les attendaient. Mais un à la fois, ils les ont surmontés ensemble.

Puis est arrivée cette pandémie qui a redistribué les cartes.

Du jour au lendemain, Rachel s’est retrouvée en télétravail (après avoir peu à peu cédé la gestion de l’entreprise), alors que Pedro travaillait plus que jamais à l’atelier.

Je me sentais enfermée, je ne pouvais pas sortir ; la seule personne que je voyais, c’était Pedro, mais lui avait besoin de repos et de calme. On était dans des réalités complètement opposées.

Rachel Laberge

Pedro, de son côté, était tellement occupé qu’il n’a même pas eu le temps de ressentir tout le stress qui pesait sur ses épaules… Avec la fermeture des restaurants, son entreprise menaçait de couler elle aussi. Il s’est à nouveau retroussé les manches, si bien que ses efforts ont été récompensés. « Au niveau des ventes, c’était génial ; mais au niveau de ma vie personnelle, c’était rendu catastrophique », confie-t-il.

« J’arrivais à la maison tout le temps fatigué. Je ne voulais pas parler, je voulais juste manger et me coucher parce que je savais que le jour d’après, c’était un autre 14 ou 15 heures de travail qui m’attendait. »

La pandémie a finalement eu raison de leur couple ; après 10 ans ensemble, ils se sont séparés à l’automne, mais sans amertume. « On continue de rester en bons termes », insiste Rachel.

« Je me rends compte de beaucoup de choses parce qu’avant, c’était : travail, travail, travail. Ma grand-mère disait toujours : “L’argent va et vient, mais le temps, tu ne peux pas le récupérer.” Donc il faut en profiter. Il faut trouver l’équilibre entre une vie de couple et le travail », dit Pedro.

Le fait que Rachel ait toujours été là pour lui a été inestimable. « Et si je n’avais pas rencontré Rachel, je ne serais pas au Canada. Donc c’est ça, la beauté : je suis arrivé ici et je pense que je vais rester ici toute ma vie parce que j’aime beaucoup le Québec. »