Ils et elles sont comédiens, photographes, coiffeurs, étudiants, techniciens, comptables, avocats. Mais ce week-end, ils seront avant tout fans. Fans de films-cultes, séries télé, jeux vidéo ou BD. Car ils seront plus de 55 000 au Comiccon de Montréal pour assister à des conférences, s'habiller comme leur personnage préféré, demander des autographes ou se faire photographier avec leurs idoles, acheter des articles de collection ou même présenter leur propre production. Rencontre du énième type avec des êtres humains qui assument leur besoin d'imaginaire.

On connaît le comédien Jean-François Beaupré: on l'a vu dernièrement dans 19-2, 30 vies, Destinées et bientôt dans le film King Dave tourné par Podz, ainsi qu'au théâtre avec la pièce Molière en une farce et deux comédies. Sans compter qu'il fait du doublage pour un nombre important de films et séries. Mais quand on entre dans son appartement, ce n'est pas l'acteur qui nous reçoit, c'est le fan fini de Star Wars! Partout ou presque, des articles de sa collection: des centaines de statuettes (dont un grand nombre sont rares ou en tirage limité), sabres laser, répliques de fusils et accessoires, costumes, affiches et même un R2D2 qui répond aux commandes vocales.

«Quand j'ai vu le film en 1977, à 7 ans, cela a changé ma vie, dit simplement le comédien de 45 ans, et je pense même que c'est grâce à Star Wars que j'ai décidé de devenir acteur.» Résultat: il est effectivement un acteur très occupé, mais ce week-end, au Comiccon de Montréal, il «jouera» le rôle d'un Stormtrooper, un des fameux soldats de la légion impériale dans Star Wars, dont le visage est dissimulé sous un casque imposant.

Samedi et dimanche au Comiccon, Jean-François Beaupré portera une réplique conçue sur mesure de l'uniforme d'un soldat de l'Empire galactique, en compagnie de ses amis membres, eux aussi, de la Canadian Garrison de la 501st Legion. Car ils sont légion, c'est le cas de le dire, à aimer incarner des «chasseurs impériaux» et autres personnages légendaires de la saga imaginée par George Lucas (le comédien a d'ailleurs aussi des répliques des costumes d'Han Solo et d'Obi-Wan Kenobi), au point d'avoir une organisation officielle internationale.

Et ils seront légion ce week-end au Palais des congrès, où ils défileront même au cours de la fameuse «parade Star Wars» annuelle, samedi après-midi. Ils ne seront pas seuls: le cosplay (costumade), c'est-à-dire le fait de se déguiser pour ressembler à son personnage préféré, est une des activités les plus populaires du Comiccon, et ils seront des milliers de cosplayers habillés en Thor, Superman, Captain America, Harry Potter ou Hermione, Altair ou Ezio, Brienne de Torth, Jason. Si ces noms ne vous disent rien, pas grave: c'est que ce ne sont pas vos personnages fictifs préférés. Il y en aura une nuée d'autres au Palais des congrès!

«Et il y a des affaires à faire au Comiccon, tient à préciser Jean-François Beaupré aux collectionneurs de tout acabit. On y trouve des objets disponibles uniquement dans ce genre d'événements, des aubaines, des trésors!»

Lieu de rencontres

Jean-Dominic Leduc, 39 ans, est également comédien (il joue notamment dans L'auberge du chien noir) ainsi que chroniqueur BD, scénariste-acteur de séries web. Mais c'est à titre d'éditeur spécialisé qu'il tiendra le kiosque 1908 au Comiccon: il a fondé la maison MEM9IRE en 2013 afin de publier des ouvrages de référence sur sa passion, la bande dessinée québécoise. Disons qu'on est ici dans le très autogéré et indépendant, alternatif et passionné.

«C'est la troisième année que je participe à titre d'éditeur au Comiccon, explique-t-il. Mais comme festivalier, j'y vais depuis 2008 - en fait, j'allais même aux événements du genre qui existaient avant!»

«Ce qui est le fun du Comiccon de Montréal, ce qui fait sa spécificité, c'est notre culture bicéphale, en français et en anglais. Depuis quelques années, les organisateurs travaillent d'ailleurs fort pour mettre de l'avant la production locale francophone dans le domaine de la BD.»

Ils ont même engagé un coordonnateur des artistes bédéistes francophones. Zviane, Frédéric Antoine (El Spectro!) et compagnie seront donc présents.

«Moi, reprend Jean-Dominic Leduc, c'est bien simple, comme éditeur, c'est l'événement le plus important de mon année, c'est là que je fais mes meilleures affaires: dans les salons du livre et les festivals de BD québécois, je vends peut-être en tout cinq ou six exemplaires des livres que j'édite. Au Comiccon, j'en vends cinq ou six en dix minutes! Comme l'événement est de plus en plus familial, je peux ainsi toucher des gens venus là pour tout autre chose et qui découvrent soudain la BD québécoise! Et ça devient des clients fidèles.» Outre ses dernières parutions chez MEM9IRE (Demi-dieux - 40 ans de super-héros dans la bande dessinée québécoise, le magazine Sentinelle), Jean-Dominic Leduc sera accompagné par le maître ès BD Michel Viau pour promouvoir leur livre Les années Croc (Québec Amérique) ainsi que les fabuleuses BD québécoises «patrimoniales» (publiées d'abord en 1901, 1902, 1952, etc.) de la collection Chronographe.

Lieu de contacts

Léonard Hurtubise, 17 ans, est gamer (féru de jeux vidéo) et collectionneur de figurines Warhammer. Le Comiccon fait partie de sa vie depuis la préadolescence: «On voit plein de gens différents au Comiccon, explique-t-il. Ceux qui ont peu de temps sont là pour voir les cosplayers, faire des photos avec eux, voir les vedettes. Ceux qui ont plus de temps se déguisent, vont visiter tous les kiosques, discuter avec ceux qui ont les mêmes intérêts qu'eux. Moi, j'en profite pour chercher des produits dérivés de mes jeux vidéo favoris, mais aussi pour parler avec les gens qui dessinent des BD ou qui peignent des tableaux de superhéros. Le Comiccon, c'est un regroupement de gens qui n'affichent généralement pas leur intérêt pour ces affaires-là, parce que ça fait plus ou moins cool. Mais pendant trois jours, t'as le droit: on n'est plus une minorité, on est un groupe.» 

Même son de cloche chez Daniel Arouchian: «Ça va être ma cinquième année consécutive au Comiccon, explique-t-il. Je suis photographe, alors c'est une chance pour moi de voir les gens ainsi habillés en superhéros ou en vilains. J'y vais aussi pour les autographes de mes célébrités favorites. J'y vais seul, parce que je rencontre tellement de gens sur place!»

«Actuellement, conclut Jean-Dominic Leduc, il y a une tendance à la "normalité" à la télé et même au théâtre. Or, nous avons besoin fondamentalement de nous faire raconter autre chose que le quotidien, nous avons besoin d'imaginaire.» Et le Comiccon, c'est la culture de l'imaginaire assumée haut et fort.

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Aujourd'hui dès 13 h et jusqu'à dimanche, au Palais des congrès de Montréal.