Le Nil bleu. Le Nil blanc. L’un arrive du lac Tana en Éthiopie. L’autre du lac Victoria, en Ouganda. Les deux cours d’eau fébriles serpentent et fusionnent au coeur du désert pour devenir le Nil, l’unique, le plus long fleuve du monde qui se jette dans la mer Méditerranée en formant un delta au nord de l’Égypte.

C’est à cette jonction que l’on a bâti Khartoum une oasis florissante qui impose sa joyeuse dictature sur une terre hostile. À vol d’oiseau, on distingue clairement la bande de verdure qui longe le Nil et les petites taches vertes qui l’entourent en s’étiolant sur cet immense  territoire rouge et aride, le désert.

Le soir de notre arrivée, nous sommes montés sur le toit de notre auberge. Dans la lumière ocre du soleil qui faiblissait, on pouvait clairement distinguer les toits des mosquées et les silhouettes des bâtiments à la structure carrée. Un panorama qui nous rappelait les images de l’Afghanistan et ses paysages devenus familiers depuis que l'armée canadienne s’y est installée.

La ville qui est née là où les deux fleuves se rencontrent est un carrefour entre deux mondes. Le Moyen-Orient et l’Afrique. Dans les rues, on sent l’influence arabe et musulmane. Les femmes sont voilées. Les hommes portent la courta. Cinq fois par jour, les hauts parleurs des mosquées transmettent la prière chantante d’un imam. Mais l’Afrique n’est jamais loin. Oui, les femmes se couvrent la tête. Mais si vous voyiez tous ces tissus  aux couleurs vives qui entourent leur visage! Si vous voyiez leur sourire éclatant, leur démarche sensuelle et désinvolte...

Sur les routes terreuses, de vieux Wolks transformés en taxis communautaires filent à vive allure. Au coin d’une rue, un marchand a installé devant son commerce un téléviseur sur une table de plastique blanche. Ils sont six ou sept, sur le bout de leurs chaises hétéroclites au milieu du trottoir, à suivre avec intérêt un match de soccer sous le soleil qui plombe.

Les voiles

Le soleil de l’Afrique et les valeurs musulmanes. Ce sont les deux raisons qui nous ont poussées, nous les filles de l’équipe, à se faire une petite «razzia» de voiles dans un des marchés publics de Khartoum. Vous avez déjà magasiné un voile? Ça prend du temps, mine de rien. Il faut décider quelle longueur nous convient, quel type de tissu on préfère. Et là, je ne vous parle pas de la couleur. Imaginez-nous deux secondes devant un marchand soudanais dépassé par la situation, en train de demander à Dominique quelle couleur se marie le mieux avec notre teint. Je vous ai déjà parlé de lui, Dominique, le seul homme de notre équipe et grand amateur de hockey. Il a la chance d’avoir un magnifique regard artistique. Pratique pour le magasinage! Bon, je dois avouer qu’il y a une autre raison pour laquelle on lui a demandé son avis à tour de rôle. Depuis notre arrivée ici, c’est lui qui tient les cordons de la bourse. Il fallait bien avoir son approbation pour se faire payer un voile. Et vous savez, je vais peut-être faire hurler quelques féministes, mais ce n’était pas désagréable du tout comme expérience. Avant de prendre l’avion pour El Faschir, la capitale du Darfour nord, les filles ont mis leur voile dans leurs bagages. Dominique s’est assuré de partir avec sa petite tuque des Canadiens.

Je vous retrouve bientôt, au Darfour.

Eza

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Pour en savoir plus sur le Soudan en général, vous pouvez visiter les sites www.unicef.ca et www.unicef.org.