Producteur, acteur ou monteur, Claude Godbout revient avec la casquette du réalisateur. La génération 101, le documentaire qu'il signe pour le cinéma, s'intéresse à une génération, ni enchantée ni désenchantée. Regard sur la francisation des nouveaux arrivants... qui ne garantit pas toujours leur intégration.

Dans La génération 101, Claude Godbout suit quatre grands enfants de la loi 101, aujourd'hui francophones et fortement politisés. Il traîne aussi sa caméra dans les classes de francisation de jeunes adolescents fraîchement immigrés au Québec. Coup de théâtre: pour eux, la maîtrise de la langue ne va pas de pair avec le sentiment d'intégration, découvre-t-on dans le documentaire.

Le problème avec les nouveaux arrivants, comprend-on, n'est pas tant qu'ils ne parlent pas français, mais plutôt que le français n'est pas le sésame promis pour trouver sa place dans la société québécoise. «On croit que l'apprentissage du français est suffisant. Mais il faut passer à l'étape économique, sociale», soutient Claude Godbout.

Si le film s'ouvre avec les funestes et célèbres paroles de Jacques Parizeau le soir du référendum de 1995, Claude Godbout a souhaité faire un film qui donne, surtout, la parole aux immigrants. «On m'avait suggéré d'inviter des historiens, des Québécois de souche , mais ce qui m'intéressait, c'est de donner la parole aux immigrants», note-t-il.

Ce qui fut fait, et qui fut, aussi, une révélation pour le réalisateur, admiratif de ses personnages. «Ils arrivent, et après un an, un an et demi, ils parlent français et sont équipés pour poursuivre leurs études secondaires. J'ai été fasciné par la capacité de ces jeunes à apprendre une autre langue», raconte Claude Godbout.

Il considère que les aînés de la génération 101 sont des «passeurs», qui transmettent aux plus jeunes le fruit de leurs expériences. Un peu comme lui, finalement: le réalisateur produit une série documentaire de 13 épisodes sur le cinéma québécois, pour la télévision (Télé-Québec). Quatre cents films québécois sont ainsi évoqués dans la série documentaire.

«Je fais partie de la première génération du cinéma québécois, dit Claude Godbout. J'ai eu le bonheur d'être choisi pour incarner le héros dans Le chat dans le sac. J'ai ensuite créé Prisma, avec des amis, et on a produit Les ordres, Les bons débarras ou encore, les premiers longs métrages d'André Mélançon», explique-t-il.

«Pour les gens de ma génération, le cinéma nous ouvrait sur le monde, dans une société qui était repliée sur elle-même», estime-t-il. Elliptique, il nous raconte tout de même les feuilles d'érable chastement plaquées sur les images jugées scandaleuses d'Hiroshima mon amour, de Resnais.

Une passion qui remonte aux années 40

Claude Godbout, né sur le Plateau dans les années 40, est devenu producteur et acteur par une cinéphilie développée dans les salles obscures de Montréal, à coup de grands chefs-d'oeuvre. «Ma passion est née à ce moment-là: l'envie de faire des films, l'envie de m'en préoccuper.»

Il passe deux ans au Conservatoire, qu'il quitte sans diplôme, et devient comédien, le temps d'un unique premier rôle dans un film jugé aujourd'hui fondamental (Le chat dans le sac). Puis, il se détourne du métier d'acteur assez naturellement, les projets de films étant suffisamment rares pour décourager la spécialisation. «Je ne suis pas le seul à n'avoir qu'un crédit comme acteur», sourit-il.

Il se lance alors dans la production privée, pendant l'âge d'or de l'ONF et de Radio-Canada. Au début des années 80 se produit «un petit miracle»: Les bons débarras, de Francis Mankiewicz. «On avait conscience d'avoir un grand texte, un excellent réalisateur. Tout le monde y est au maximum de sa forme.»

Aux nouveaux arrivés comme aux cinéphiles en devenir, il recommande de regarder l'intégralité des films de Denys Arcand, et de piocher dans l'oeuvre de Gilles Groulx «pour prendre la mesure de ce qu'était le cinéma québécois». On peut aussi ajouter au menu les plus récents C.R.A.Z.Y. et autre Grande séduction. Et Les bons débarras? «Les bons débarras aussi», répond-il, modeste.