Même s’il compte maintenant plus de 50 ans de carrière en tant qu’acteur, Michael Lonsdale n’avait jamais vécu un phénomène similaire à celui qu’a engendré Des hommes et des dieux. Ce succès lui fait d’autant plus chaud au cœur que le film est aussi en phase avec ses propres valeurs.

Il fait partie de ceux qu’on appelle les «grands acteurs de soutien». Le parcours cinématographique de Michael Lonsdale est jalonné de rencontres avec des cinéastes réputés. Truffaut, Duras, Robbe-Grillet, Mocky, Sautet et tant d’autres ont fait appel à son talent, tout autant que des pointures du cinéma international. Zinnemann (The Days of the Jackal), Hudson (Chariots of Fire), Ivory (Remains of the Day) ou, plus récemment, Spielberg (Munich) ont tour à tour employé cet acteur né d’un père anglais et d’une mère française. L’interprète du milliardaire Hugo Drax dans le James Bond Moonraker a mené une carrière solide. Du genre de celles qui imposent le respect sans obligatoirement toujours attirer le feu des projecteurs.

«Je n’ai jamais reçu de récompenses de ma carrière et voilà qu’on m’a remis trois prix coup sur coup! s’étonne l’acteur au cours d’un entretien téléphonique. Je vis présentement quelque chose d’unique dans la vie d’un comédien. Jamais je n’ai joué dans un film qui a eu un tel impact auprès du public.»

Le prix Lumière du meilleur acteur, le Globe de cristal et le prix Henri-Langlois annoncent en effet peut-être aussi un sacre à la prochaine soirée des Césars, le 25 février. Évidemment, Des hommes et des dieux, de Xavier Beauvois, part grand favori dans la course avec 11 nominations. Monsieur Lonsdale est en lice dans la catégorie du meilleur second rôle masculin. Le film a déjà été primé au Festival de Cannes l’an dernier, où le jury lui a attribué son Grand Prix.

«Personne ne pouvait prévoir un tel parcours, souligne celui dont le nom fut francisé à l’époque où il a commencé à faire du théâtre à Paris. Lors de la présentation à Cannes, où l’ovation a duré 10 minutes, nous pouvions toutefois déjà sentir que ce film touchait vraiment le cœur des gens.»

Une affaire tragique

Le scénario, écrit par Étienne Comar, puise sa matière dans une affaire tragique. En 1996, sept moines français de Tibhirine, en Algérie, ont été horriblement massacrés. Des hommes et des dieux évoque le déchirement intérieur de ces hommes ayant consacré leur vie à leur foi chrétienne, alors qu’ils se retrouvent plus que jamais menacés dans leur intégrité physique. La région dans laquelle ces moines cisterciens ont toujours vécu en parfaite harmonie avec la population locale – auprès de laquelle ils sont très engagés – est soudainement embrasée par des groupes terroristes sans foi ni loi. Que faire? Partir, comme le suggèrent les autorités? Ou rester avec la population et faire face à la mort?

«Étant déjà très intéressé par les questions d’ordre spirituel, ce scénario m’a évidemment beaucoup touché, soutient Michael Lonsdale. Ce que Xavier Beauvois en a fait est à la fois très simple, très pur, et très beau. Le tournage n’aurait pas pu mieux se dérouler. Xavier était aussi ouvert à nos improvisations.»

À la demande du cinéaste, tous les interprètes sont d’ailleurs partis ensemble faire une retraite dans un monastère. À cause d’un conflit d’horaire, Michael Lonsdale n’a pu se joindre au groupe. Mais il était déjà en pays de connaissance.

«Je fais souvent des retraites chez les Cisterciens, indique-t-il. Donc, je connais déjà. Je crois que pour les acteurs, cette retraite fut tout à fait bénéfique, non seulement pour se familiariser avec la vie monastique dans le quotidien, mais aussi pour souder l’esprit de corps. On dit souvent que l’habit ne fait pas le moine, mais dans ce cas-ci, il le faisait tout à fait. Dès que nous revêtions ces habits, nous nous sentions investis d’une sorte de mission.»

Un phénomène 

Plus de trois millions de spectateurs français sont allés voir Des hommes et des dieux l’automne dernier. D’emblée inscrit au panthéon des grandes œuvres spirituelles contemporaines, au même titre que Thérèse d’Alain Cavalier ou, plus près de nous, La neuvaine de Bernard Émond, le film a emprunté là-bas les allures d’un véritable phénomène.

«Je crois que dans ce monde bousculé, inquiet, où tout le monde court toujours, les gens ont eu envie de se recueillir devant une œuvre qui évoque des valeurs humaines, dit l’acteur. Avec des vertus de fraternité, de partage, de pureté, de sacrifice. Nous sommes quotidiennement bombardés par la pub, nous sommes submergés par un flot constant d’images. Il nous faut prendre un moment pour nous recentrer en tant qu’être humain. Ce film permet cela. Depuis la sortie de Des hommes et des dieux, il semble que de plus en plus de gens partent en retraite dans des abbayes. Nous avons besoin d’un peu de silence, je crois.»

Des hommes et des dieux prend l’affiche le 25 février.