À sa façon, André Forcier lance un vibrant appel à la solidarité à travers un conte ancré dans un univers que lui seul pouvait imaginer.

On dit de lui qu'il est «l'enfant terrible» du cinéma québécois; parfois même son Fellini. Avec Coteau rouge, présenté hier lors de l'ouverture du 35e Festival des films du monde, André Forcier confirme sa belle forme artistique, déjà retrouvée il y a deux ans grâce à Je me souviens.

Au coeur de son nouveau film: une famille. Dont l'histoire de l'aïeul (Paolo Noël), surréaliste comme de raison, est transmise de génération en génération. Le récit s'attarde à dépeindre l'existence - somme toute peu banale - d'une galerie de personnages à la fois déjantés et profondément humains. Ils ont tous pris racine dans un quartier populaire de la Rive-Sud, aujourd'hui la cible de promoteurs. Un homme (Gaston Lepage) résiste ardemment aux offres d'achat de son gendre (Roy Dupuis), promoteur véreux désirant faire table rase de tous les «trous à rats» du quartier pour les remplacer par de magnifiques condos.

Les liens entre les deux hommes sont pourtant à jamais soudés. La femme de l'un (Louise Laparé) sert en effet clandestinement de mère porteuse pour la propre fille du couple (Céline Bonnier), amoureuse du promoteur. Cette dernière arbore d'ailleurs en public une fausse grossesse afin de ne pas trop éveiller les soupçons.

Tordu? Assurément. Rien de malsain pourtant. Dans le cinéma de Forcier, les situations les plus loufoques confèrent souvent à la poésie. Et révèlent à la fois les petits travers et les grandes beautés de la condition humaine.

Lors d'une conférence de presse tenue après une première projection numérique de piètre qualité (on nous a promis que les problèmes seraient réglés pour les projections subséquentes), André Forcier établissait un lien avec L'eau chaude l'eau frette, célèbre film de son cru, tourné dans les années 70.

«Coteau rouge est un quartier modeste contre lequel il y a eu de l'opposition, a-t-il raconté. Vers la fin des années 50, on a même rebaptisé le «chemin Coteau rouge» en «chemin Ste-Foy» parce qu'on pensait à l'époque qu'en changeant de nom, le quartier aurait un nouvel attrait et pourrait se défaire de son étiquette de quartier à problèmes. Ce film aborde le thème de l'embourgeoisement. Au lieu de rénover les petites maisons d'ouvriers construites après la guerre, on préfère tout détruire et mettre des condos à la place. C'est exactement ce qui se passait aussi dans L'eau chaude l'eau frette sur le Plateau Mont-Royal en 1975.»

Natif de Greenfield Park, le cinéaste a connu Coteau rouge, «un quartier où ça jouait rough», dans sa jeunesse. Il y est retourné en s'installant dans l'une de ces petites maisons ouvrières, à l'image de celles que le promoteur de son film voudrait bien raser.

Roy Dupuis, interprète du promoteur, a d'ailleurs pris grand plaisir à jouer ce contre-emploi. L'acteur, reconnu pour son implication sociale, se glisse pour l'occasion dans la peau d'un homme dont les valeurs sont complètement opposées aux siennes.

«J'accepte tous les rôles qu'André propose, a déclaré l'acteur. Il s'agit de notre troisième collaboration. Un tournage avec lui, c'est... en tout cas, j'aime beaucoup l'ambiance qui règne sur son plateau! Quant au contre-emploi, ça fait partie du travail d'un acteur. On peut jouer toutes sortes de personnages, peu importe leur personnalité ou leurs valeurs. Cela dit, je dois être en accord avec l'histoire qu'un film véhicule. C'est surtout ça qui compte. Et puis, c'est très amusant de s'éloigner de soi-même à travers un personnage.»

Écrivant souvent des histoires où se retrouvent une kyrielle de personnages, André Forcier bénéficie d'un grand soutien de la part des comédiens.

«Je travaille avec les plus grands acteurs du Québec et je suis très choyé, reconnaît-il. Ils pourraient pourtant exiger des cachets beaucoup plus élevés!»

Réalisant ses films avec de modestes budgets, André Forcier persiste et signe en imposant un univers singulier, lequel revêt ici les allures d'un vibrant appel à la solidarité humaine.

«La solution pour les hommes, c'est la solidarité», a-t-il conclu.

Dimanche, 14h40, au Quartier Latin. En salle le 9 septembre.