Le cinéaste franco-chilien Raoul Ruiz est mort vendredi d’une infection pulmonaire à l’âge de 70 ans, dans un hôpital de Paris, la ville qui avait adopté son oeuvre foisonnante et poétique après son exil du Chili en 1973.


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«Son oeuvre considérable restera avec évidence dans l’histoire du cinéma», a déclaré à l’AFP son producteur François Margolin.

Il sera inhumé au Chili «conformément à sa volonté», a annoncé un ministre chilien, et une cérémonie religieuse aura lieu mardi à Paris.

Plongée dans le rêve et l’imaginaire, récits baroques à tiroirs ou gigogne, trompe-l’oeil et faux-semblants: Ruiz, arrivé en France pour fuir la dictature militaire, a réalisé plus d’une centaine de films.


Fou de littérature, il est marqué par la fantaisie du surréalisme. Son oeuvre innovante sur le plan formel est à la fois intellectuelle, drôle et onirique à la façon des romanciers d’Amérique latine comme Gabriel Garcia Marquez ou Jorge Borges.


En 2010, il avait reçu le prix Louis-Delluc pour son film-fleuve Mystères de Lisbonne, saga mouvementée de près de quatre heures et demie sur l’aristocratie portugaise au XIXe siècle.


«Il était en train de finir le montage d’un film qu’il avait tourné sur son enfance au Chili. Et il préparait un autre film au Portugal sur une bataille napoléonienne célèbre», a précisé M. Margolin.


Son producteur portugais, Paulo Branco, a indiqué que ce deuxième film serait terminé et sortirait dans les salles, saluant «l’humanité et l’humour rares» de Ruiz.


Né le 25 juillet 1941 au Chili, le réalisateur grandit près de Valparaiso, où son père est officier dans la marine marchande.


Étudiant en droit et en théologie, il dirige le ciné-club de son université avant d’écrire de nombreuses pièces de théâtre. Il remporte le premier prix, ex aequo avec Éric Rohmer, du festival de Locarno en 1969 avec son premier long métrage Tres tristes tigres sur trois destins croisés à Santiago. Il y rencontre Valeria Sarmiento, qu’il épouse la même année, et qui sera la monteuse de beaucoup de ses films.


Exilé

Installé à Paris, il réalise Dialogue d’exilés en 1974, inspiré de sa propre expérience, et se fait remarquer en 1979 avec L’Hypothèse du tableau volé, tourné en quelques jours d’après le roman du Français Pierre Klossowski.


Trois vies et une seule mort, l’un des derniers rôles de Marcello Mastroianni, est sélectionné à Cannes en 1996, contribuant à sa renommée internationale.


«C’était un conteur des mille et une nuits», a affirmé Gilles Jacob, président du Festival de Cannes (dont Ruiz fut juré), évoquant «les aventures, les bizarreries, la logique, les incidentes, les quiproquos» émaillant son oeuvre.


Le président français Nicolas Sarkozy a salué «la mémoire d’un digne héritier des Lumières» dont «l’engagement dans les combats de son siècle se nourrissait d’une immense érudition et d’une infinie curiosité».


Son ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a évoqué un univers «d’une profonde originalité, imprégné de surréalisme, peuplé de trouvailles formelles fascinantes».


Ruiz a révélé le comédien français Melvil Poupaud, en lui offrant son premier rôle dans «La ville des pirates» (1984). Suivront une dizaine de films, dont Dans un miroir ou Généalogies d’un crime avec la Française Catherine Deneuve en 1997.


Le cinéaste avait signé plusieurs adaptations de romans dont Le temps retrouvé, d’après Marcel Proust, avec Catherine Deneuve dans le rôle d’Odette et l’Américain John Malkovich en baron de Charlus