En présentant au 53e festival de Salonique (Grèce) son dernier film Le capital, une charge contre la folie financière, le cinéaste engagé Costa Gavras déplore «l'appauvrissement» subi par la Grèce, son pays natal.

«J'ouvre le journal et je vois que le gouvernement doit encore voter pour des choses très, très négatives pour le peuple grec. C'est une situation très triste parce que beaucoup de gens vivent dans la misère», s'émeut le réalisateur lors d'un entretien avec l'AFP.

En marge du festival qui s'achèvera samedi, le pays s'apprête de fait à vivre une semaine sous haute tension, avec le vote prévu au Parlement mercredi d'un nouveau train d'économies et de réformes ajoutant à deux ans et demi de rigoureuse austérité, et contre lequel les syndicats organisent une grève de 48 heures assortie de manifestations.

Pour le cinéaste, qui dépeint dans son dernier film - sortant le 14 novembre en France - comment l'argent «fait perdre aux gens la réalité du quotidien», donnant quand il coule à flot «tous les pouvoirs possibles» et un vertige de jouissance, les Grecs doivent «s'aider eux-mêmes» pour s'extraire de la crise.

Costa Gavras prône notamment plus de discipline fiscale, en référence à l'affaire dite de la «liste Lagarde», un catalogue de plus de 2000 comptes grecs en Suisse remis à Athènes par la chef du FMI quand elle était ministre française des Finances.

«Il y a cette liste terrible qui circule, de gens qui ont appauvri la Grèce en envoyant leur argent en Suisse», s'émeut Costa Gavras, alors que la publication la semaine dernière de données présentées comme émanant de cette liste a valu à un journaliste grec d'être arrêté et jugé en flagrant délit, avant sa relaxe finale.

«Il y a un autre appauvrissement (...) ce sont les jeunes qui quittent le pays pour aller travailler ailleurs (...) des jeunes diplômés, des jeunes qui peuvent être une vraie richesse pour le pays», déplore aussi le cinéaste, aujourd'hui âgé de 79 ans, qui a lui-même quitté le pays à l'âge de 18 ans pour étudier en France.

Pour lui, «tout cet appauvrissement a été produit finalement essentiellement par la situation que les hommes politiques n'ont pas réussi à contrôler et que les Européens ont laissé faire!»

«La responsabilité appartient aux politiques, et aussi, aux Européens. Que ce soient les Allemands, les Français, ou la Commission Européenne, M. Barroso etc. Tout le monde savait que cette dette grossissait, grossissait, et laissait faire» insiste-t-il, alors que la menace d'une sortie de l'euro ressurgit contre le pays surendetté, s'il devait refuser sa nouvelle potion de rigueur.

C'est pourtant de l'Europe que l'artiste, pourfendeur avec son magistral Z des dérives d'extrême-droite ayant pavé la voie à la dictature des Colonels en Grèce (1967-1974), espère un recours face à la percée électorale du parti néonazi Aube Dorée.

L'irruption de cette formation «épouvantable», qui a raflé 7% des voix aux élections législatives en juin, envoyant 18 députés au parlement grec, lui rappelle, plus que le début des années 1960 en Grèce, les années 1920 qui ont vu la montée du nazisme en Allemagne.

«Je dis toujours que chaque pays a ses barbares; et ça ce sont nos barbares, les barbares grecs. Nous en avons aussi en France. Mais ceux-là, devant la crise actuelle, ils promettent tout ce qu'ils peuvent à des gens qui ont peu d'éducation et qui ont beaucoup de problèmes économiques (...) et ces gens-là se disent: «Ah, ils vont nous sauver!»»

«Heureusement que l'Europe avec nous tous ensemble peut empêcher que cela arrive», tente-t-il de se rassurer.