(Toronto) Par un matin ensoleillé du mois d’août, le cinéaste Atom Egoyan se tient en silence dans une salle de postproduction sombre. Avec son prochain long métrage Seven Veils, projetant des rayons depuis l’écran de cinéma devant lui, il peaufine le montage final, perfectionnant ce qu’il peut avant sa première au Festival international du film de Toronto (TIFF).

« C’est une histoire très personnelle », raconte Egoyan à propos de ce long métrage inspiré de l’opéra. « Ce film est très lié à mes expériences personnelles et j’espère que tout le monde pourra apprécier cette version terminée. »

Seven Veils met en vedette Amanda Seyfried dans le rôle d’une directrice de théâtre retravaillant une production de Salomé après la mort de son mentor qui en était auparavant responsable. Au fil du temps, son monde commence à se dénouer alors que son passé tourmenté s’exprime à travers ses interprétations artistiques de la pièce.

Le film sera présenté en première vendredi.

L’achèvement de ce film représente beaucoup pour Egoyan. Au cours d’une entrevue dans un studio du centre-ville de Toronto, il explique les racines de sa passion pour le projet, entre les instructions d’insertion audio à son équipe et les appels professionnels entrants dans la ruée pré-TIFF.

« Depuis que j’ai monté l’opéra biblique Salomé en 1996, sur lequel est basé Seven Veils, je me suis rendu compte que j’étais hanté par ses thèmes particuliers depuis un certain temps », a relaté le cinéaste de 63 ans qui est né au Caire de parents arméniens et a grandi en Colombie-Britannique.

« La façon dont nous reconfigurons nos propres histoires pour l’adapter à nos besoins est souvent revenue dans mes premiers films », a-t-il indiqué, soulignant qu’il a lui-même vu des êtres chers cacher des passés troublés et que cela sert fondamentalement à faire taire les gens.

Seven Veils a été tourné au Four Seasons, le même lieu où il a réalisé Salomé pour la Canadian Opera Company. Ce lien l’amène à réfléchir à la façon dont il a surmonté ses propres défis en remontant la production d’Oscar Wilde, qui dépeint la décapitation de Jochanaan (Jean-Baptiste) à la demande de la princesse juive Salomé.

« L’opéra est le principal environnement de travail de mon film, a expliqué Egoyan. C’est un environnement que je connais très bien. »

Depuis 1905, l’adaptation lyrique de la pièce de 1891 par Richard Strauss a constamment suscité la controverse, compte tenu du crescendo biblique de l’effeuillage de l’adolescente Salomé pour son beau-père Hérode en échange de la tête coupée de Jean-Baptiste.

Semblable à une séquence de retours en arrière fragmentés faisant allusion à un lien inhabituel entre un père et sa fille dans Seven Veils, la production d’opéra d’Egoyan de 1996 a choisi de dépeindre des scènes de l’enfance de Salomé, insinuant des cas d’agression sexuelle. C’est un choix qui a suscité l’inquiétude d’éminents critiques culturels de l’époque, qui se sentaient tourmentés par ces images.

« C’était à une époque où nous n’avions pas d’avertissements, donc beaucoup n’étaient pas préparés à ce qu’ils allaient voir », a expliqué le cinéaste, qui a dirigé le projet pour la scène quatre fois depuis 1996.

« Quand on m’a donné la chance de remonter la pièce, je savais que je ne pouvais pas présenter la même version – ce n’était pas responsable dans la culture d’aujourd’hui, donc d’une certaine manière, j’ai relaté ce processus à travers le personnage d’Amanda en utilisant les thèmes de cette pièce, qui continue de me hanter. »

« Ici, vous avez une femme dans Seven Veils, qui fait face à son histoire de violence et de répression alors qu’elle met en scène cette pièce et c’est le genre de scénario qui m’a toujours attiré […] Comment ceux qui sont au pouvoir, comme les parents, peuvent travailler pour reconfigurer et enterrer nos histoires », a-t-il ajouté.

Egoyan reconnaît que les blessures cachées ont été le tissu conjonctif définissant sa première filmographie, la plus remarquable étant son célèbre film nommé aux Oscars en 1997, The Sweet Hereafter, avec Sarah Polley, qui explore les conséquences d’un accident d’autobus dans une petite ville et dans un contexte d’agression sexuelle.

C’est une situation que le réalisateur dit avoir vécue directement, en s’appuyant sur une relation qu’il a eue pendant son adolescence.

« J’ai progressivement découvert qu’elle était maltraitée par son père, a relaté Egoyan à propos de son premier amour. Personne n’en a parlé et elle n’en parlait certainement pas ou n’essayait pas d’y penser. »

« J’ai essayé de comprendre les choses à travers son comportement […] et la dynamique de ce qui semblait inconnu et reconfiguré par ses parents m’a fasciné – et, d’une certaine manière, m’a hanté. »

Seven Veils, dit-il, est une autre voie pour explorer les complexités de ce qui se cache souvent derrière nos surfaces voilées. C’est un concept qu’il a exploré également dans le drame psychologique Exotica de 1994 et dans le suspense érotique Chloé de 2009, qui mettait également en vedette Seyfried.