En couple depuis 35 ans, deux hommes dans la soixantaine voient leur amour menacé lorsque sonne l’heure de la retraite pour l’un d’eux.

L’histoire que propose David Lambert dans Les tortues est assez ordinaire, voire banale. Une histoire que bien des vieux couples ont vécue au moment de la retraite. Or, ce vertige de se retrouver face à un agenda vide ou la crainte de ne plus reconnaître l’être aimé après tant d’années consacrées au travail, le cinéaste belge les fait vivre, avec une véracité bluffante, à deux hommes que tout séparait : Henri (Olivier Gourmet, bouleversant), ex-policier belge introverti, et Thom (Dave Johns, tour à tour drôle et touchant), ex-drag queen britannique exubérante recyclée en brocanteur.

Ayant promis, il y a 35 ans, à un ami défunt de garder sa maison et ses tortues, Henri et Thom ont vieilli ensemble sans se poser de questions. Lorsque sonne l’heure de la retraite, Henri remet son couple en question. Après avoir découvert que son mari s’est inscrit à un site de rencontres, Thom lui demande le divorce avec l’espoir de le reconquérir, comme il l’explique à sa meilleure amie Jenny (Brigitte Poupart, radieuse).

De son premier court métrage, Vivre encore un peu… (2009), jusqu’à Troisièmes noces (2018), en passant par Hors les murs (2012) et Je suis à toi (2014), le cinéaste belge donne vie à des personnages homosexuels de tous âge et différents milieux. À travers l’histoire toute simple que vivent Henri et Thom, il esquisse l’évolution de la société occidentale. Et par la bande, de son cinéma. De fait, les sexagénaires qu’incarnent l’acteur fétiche des frères Dardenne et l’inoubliable ouvrier d’I, Daniel Blake, de Ken Loach, n’auraient pas eu leur place dans un film grand public il y a moins de 50 ans.

À travers le quotidien et le joyeux bordel régnant dans la maison du couple, mis en scène de manière naturaliste, David Lambert évoque les années sida, l’homophobie systémique et le droit au mariage pour les conjoints de même sexe. Dans le bar où Thom livre une étonnante reprise de Haut les mains, d’Ottawan, le cinéaste fait entrer en scène Madame, rôle tenu par Vanessa Van Durme.

Sur les traits et dans le regard de cette actrice ayant fait sa transition en 1971, le cinéaste semble puiser toute la résilience qu’il faudra à Henri et à Thom pour traverser quelques tempêtes ensemble. « Que la séparation, bien que nécessaire/N’est que pause pour laisser à la raison/Le temps de comprendre chacun des mystères/Qui unit deux êtres de passion », comme le chante si bien Pierre Lapointe, dont la chanson La plus belle des maisons accompagne joliment ce film doux-amer néanmoins léger et porteur d’espoir.

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Les tortues

Comédie dramatique

Les tortues

David Lambert

Dave Johns, Olivier Gourmet, Brigitte Poupart

1 h 23
En salle

7/10