Dans les années 1990, deux adolescents voient leur vie basculer lorsque leur émission préférée est annulée.

Après avoir exploré la dysphorie de genre dans We’re All Going to the World’s Fair (2021), où l’on suivait la transformation d’une jeune fille participant à un jeu de rôle d’horreur en ligne, la réalisatrice transféminine Jane Schoenbrun traite de la transidentité avec la même originalité et la même sensibilité dans I Saw the TV Glow (J’ai vu la télé briller, en version française), son deuxième long métrage de fiction.

Adolescent solitaire, Owen (Ian Foreman, émouvant) mène une vie morne auprès de sa mère (Danielle Deadwyller) et de son beau-père (Fred Durst, de Limp Bizkit). Un jour, Owen aperçoit Maddie (Brigette Lundy-Paine, hypnotique), plongée dans la lecture d’un guide des épisodes d’une émission de science-fiction qu’il ne connaît pas, The Pink Opaque (du nom d’un album de Cocteau Twins).

Maddie initie alors Owen à cette série où l’on suit deux amies, Isabel (Helena Howard) et Tara (Lindsey Jordan), qui vivent chacune dans leur monde et doivent lutter contre les monstres que leur envoie Mr. Melancholy (Emma Portner). Les années passent et Owen (Justice Smith, bouleversant) demeure un fidèle spectateur de l’émission – d’un kitsch aussi fabuleux qu’inquiétant avec ses créatures qui évoquent l’univers des Méliès, Harryhausen et Cronenberg. Puis Maddie quitte la ville et The Pink Opaque disparaît des ondes.

Porté par la tonitruante bande originale d’Alex G., à laquelle se greffent des chansons de Sloppy Jane et de King Woman, I Saw the TV Glow exprime avec justesse le spleen, le mal-être et la crise identitaire propres à l’adolescence. À tel point que la mélancolie qui se dégage du film devient contagieuse et nous saisit aux tripes. Prisonniers d’un foyer malheureux, l’un à cause de la maladie, l’autre de la violence, les personnages n’ont pour échappatoire que la fantaisie d’une série culte, dite pour filles, de fin de soirée.

Sous le couvert du fantastique et de l’horreur, derrière lequel on devine l’influence de Lynch, Jane Schoenbrun aborde ainsi la maladie mentale qui guette Owen et Maddie, dont l’obsession pour The Pink Opaque est telle qu’ils en viennent à croire que leur réalité et celle de leurs héroïnes sont connectées. Si la transidentité d’Owen n’est pas abordée frontalement, contrairement à l’homosexualité de Maddie, qui affirme clairement aimer les filles, elle est suggérée par l’identification d’Owen à Isabel.

Si rose soit l’univers de leur émission fétiche, Jane Schoenbrun abandonne ses personnages à un avenir plutôt sombre et les spectateurs, tétanisés, à des questions sans réponses. Il existe des films qui nous échappent sur le coup, nous bousculent, puis nous hantent longtemps après les avoir vus. I Saw the TV Glow est l’un de ces films.

En salle

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I Saw the TV Glow (V. F. : J’ai vu la télé briller)

Drame d’horreur

I Saw the TV Glow (V. F. : J’ai vu la télé briller)

Jane Schoenbrun

Justice Smith, Brigitte Lundy-Paine, Ian Foreman

1 h 40

7,5/10