« À l’inverse du drame policier, dans un film noir, on espère toujours que la police arrivera avant la fin. Mais elle ne vient jamais », nous a dit Yves Jacques en entrevue pour la promotion du Successeur.

Si on reprend cette remarque du comédien, rencontré la semaine dernière, c’est pour expliquer le caractère hybride du nouveau long métrage du réalisateur français Xavier Legrand. Une étrange proposition mi-comique, mi-tragique, qui avance périlleusement sur le fil ténu d’un suspense œdipien.

Dans Le successeur, Marc-André Grondin incarne Ellias Barnès, directeur artistique d’une célèbre maison de haute couture. Exilé depuis sa jeune vingtaine en France, ce « nouveau prince de la mode » est en pleine ascension comme designer. Il a changé de prénom (son nom de baptême est Sébastien), et a pris l’accent parisien aussi vite que Diane Tell... Il va faire la couverture du Harper’s Bazaar pour sa première collection à titre de directeur artistique.

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Dans Le successeur, Marc-André Grondin incarne Ellias Barnès, directeur artistique d’une célèbre maison de haute couture.

Or voilà qu’au milieu d’une séance de photos pour ce magazine, Ellias apprend la mort subite de son père, victime d’un second AVC en trois ans. Un père qu’il n’a pas vu depuis 20 ans, ayant refait sa vie à Paris et coupé tous les ponts avec son passé. Fils unique, il n’a d’autre choix que de se rendre à Montréal pour les arrangements funéraires et vider la maison, car son père vivait seul à Repentigny. Il croit pouvoir tout régler en deux ou trois jours. Et demande « la formule express » au directeur du salon funéraire...

« Il ne faut jamais revenir aux temps cachés des souvenirs de son enfance », chantait Barbara. Et le fils fera une stupéfiante découverte dans les affaires de son père. Dès lors, Ellias/Sébastien sera hanté par le lourd héritage laissé par son père, un homme à qui il n’a jamais voulu ressembler. Mais son legs sera pire que son cœur fragile.

Malgré nos réserves, Le successeur, une coproduction Belgique, France et Québec, nous tient en haleine jusqu’à la fin. Le jeu des acteurs est excellent ; la réalisation, bien menée. Or, les ficelles sont grosses et certaines scènes peu crédibles.

Ce drame – librement adapté du roman L’ascendant, d’Alexandre Postel, par le cinéaste et la scénariste québécoise Dominick Parenteau-Lebeuf – mélange trop les registres cinématographiques. Ce n’est pas un film pour les puristes. Et Hitchcock se retournerait dans sa tombe en voyant ce « néo-film noir » signé par le réalisateur de Jusqu’à la garde.

De solides interprètes

Dans la peau d’Ellias Barnès, Marc-André Grondin est exceptionnel. L’acteur joue dans (presque) toutes les scènes et son personnage traverse des étapes limites, allant de l’accablement à l’horreur en passant par la résignation. En 48 heures, il vivra plus de rebondissements que durant toute une vie.

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Dans la peau d’Ellias Barnès, Marc-André Grondin est exceptionnel.

Yves Jacques incarne avec finesse Dominique, l’ami et « frère cosmique » du défunt. Un personnage bienveillant, doux... et un peu mystérieux. Lors de la brève cérémonie au complexe funéraire, Dominique rend hommage au père d’Ellias sur la musique de Fais comme l’oiseau, de Michel Fugain et le Big Bazar. Autre moment où le réalisateur joue sur les registres comique et dramatique en même temps.

Finalement, Anne-Élisabeth Bossé et Vincent Leclerc sont suaves en conseillers funéraires empathiques. « Ils sont là pour faciliter la vie » d’Éllias, répètent-ils. Sans se douter une seconde que ce dernier est déjà en enfer.

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Le successeur

Drame

Le successeur

Xavier Legrand

Avec Marc-André Grondin, Yves Jacques, Anne-Élisabeth Bossé…

1 h 52

7/10