Afin de comprendre pourquoi deux jeunes Tunisiennes ont rejoint Daech, une cinéaste demande à deux actrices de les incarner auprès de leur mère et de leurs deux sœurs cadettes.

En 2012, le destin d’Olfa Hamrouni, mère divorcée élevant seule ses quatre filles, bascule lorsque ses deux filles aînées découvrent Daech. Portant le niqab, les deux jeunes filles veulent bannir la télévision et la musique de leur foyer. Deux ans plus tard, Ghofran, alors âgée de 16 ans, quitte la Tunisie pour la Libye afin de rejoindre Daech. Peu après, Rahma, 15 ans, va la rejoindre.

En 2016, la réalisatrice Kaouther Ben Hania (La belle et la meute, L’homme qui a vendu sa peau) s’intéresse à l’histoire d’Olfa Hamrouni, qui est devenue une figure médiatique controversée. Touchée par cette mère surprotectrice se battant pour que la Tunisie rapatrie ses filles, la cinéaste entame le tournage d’un documentaire avec Olfa et ses filles cadettes, Eya et Tayssir. Ce faisant, le projet prend une forme inattendue.

À mi-chemin entre le documentaire et la fiction, Les filles d’Olfa s’avère une expérience cinématographique bouleversante tant pour les participantes que les spectateurs. De fait, afin de comprendre ce qui a poussé Ghofran et Rahma à quitter leur foyer, Kaouther Ben Hania invite sur le plateau deux actrices, Ichraq Matar et Nour Karoui, afin qu’elles incarnent les fugitives. La rencontre entre les jeunes femmes et Olfa a tout pour arracher les larmes tant l’émotion est palpable.

Afin de jouer les rares hommes qui traversent l’existence d’Olfa et de ses filles, la réalisatrice a fait appel à l’acteur Majd Mastoura, qui fait profil bas dans cet univers résolument féminin. Remplaçant Olfa dans les scènes plus difficiles à jouer, l’impériale Hend Sabri s’impose avec naturel. Souvent, l’actrice se plaît à affronter Olfa, femme pétrie de contradictions, et à prendre parti pour ses filles, provoquant ainsi les moments les plus forts du film.

Ayant transformé un hôtel bas de gamme de Tunis en un cocon coloré et chaleureux, la cinéaste fait jouer aux cinq femmes les moments ayant précédé le départ de Ghofran et de Rahma. Une fois de plus, l’émotion est à son comble. Au contact des actrices, avec qui elles développent une belle complicité, Eya et Tayssir prennent confiance en elles. Les détails qu’elles dévoilent alors sur l’éducation qu’elles ont reçue sont troublants, choquants.

Semblant oublier la caméra, Olfa Hamrouni révèle des aspects peu reluisants de sa personnalité. Violente, colérique, opiniâtre, cette femme qui, encouragée par le Printemps arabe, s’est révoltée contre sa propre condition, n’aura finalement réussi qu’à reproduire un modèle d’éducation traditionaliste hérité du patriarcat. Exercice cathartique célébrant magnifiquement la sororité, Les filles d’Olfa peut certes être discutable et n’offrir aucune solution quant au sort des prisonnières. Toutefois, dans sa manière de parvenir à libérer la parole des jeunes femmes, le film justifie pleinement son existence.

En salle en version originale avec sous-titres anglais et en version originale avec sous-titres français.

Les filles d’Olfa

Docufiction

Les filles d’Olfa

Kaouther Ben Hania

Olfa Hamrouni, Hend Sabri, Eya Chikhaoui, Tayssir Chikhaoui

1 h 47

8/10

Consultez l’horaire du film