Pendant la représentation d’un mauvais vaudeville, un spectateur se lève et interrompt la pièce pour s’en plaindre…

Sur la scène d’un théâtre parisien se joue un mauvais vaudeville, Le cocu, mettant en vedette Paul Rivière (Pio Marmaï) dans le rôle-titre et Sophie Denis (Blanche Gardin), qui incarne sa femme adultère. Dans la salle à moitié vide se lève un homme, Yannick (Raphaël Quénard), un gardien de nuit de stationnement. Il est mécontent. Il a pris un rare et précieux congé, est venu de sa banlieue, à 45 minutes en transports en commun et 15 minutes de marche (précise-t-il), pour voir ce théâtre de boulevard censé le divertir.

Yannick estime qu’il n’en a pas pour son argent et il le fait savoir à la troupe. Il ne se contente pas de claquer la porte en sortant, il se lance dans une tirade et stoppe net la représentation. « Je paie pour qu’on me change les idées », dit-il, se plaignant du même souffle de l’absence du metteur en scène. C’est comme si le cuisinier n’était pas au resto, estime ce jeune homme à la santé psychologique fragile.

Le cinéaste français Quentin Dupieux (Le daim, Fumer fait tousser, Daaaaaali !), auteur de comédies absurdes et décalées, propose une réflexion originale et pertinente sur l’art et le divertissement, le rapport au public et le mépris de classe. Le ton est moins loufoque que celui, habituel, de Dupieux. Yannick est un huis clos tendu à l’humour très noir. Un exercice de style irrévérencieux et diablement efficace d’à peine une heure.

Blanche Gardin est très convaincante dans le rôle d’une mauvaise actrice, Pio Marmaï l’est tout autant en comédien désenchanté qui rêvait d’être Belmondo ou Dewaere et qui joue des pièces médiocres. Mais c’est Raphaël Quenard, en antihéros désespéré, en manque d’amour et de reconnaissance, qui vole la vedette. Quenard est très habile à soutenir le malaise, avec le mélange de candeur et de commentaires déplacés de son personnage. La tension qu’il maintient et l’humanité qu’il dégage avec son simple regard sont remarquables.

À quoi sert l’art ? Un spectacle vaut-il davantage que n’importe quel service pour lequel un spectateur lambda a déboursé une somme x ? Y a-t-il, en culture, une obligation de résultat ? Quentin Dupieux pose des questions sur la performance et la prétention artistiques, sur l’élitisme et l’anti-intellectualisme, avec une acuité comique hors du commun. Si bien que l’on finit par éprouver de l’empathie pour ce spectateur malpoli qui bouscule non seulement les conventions, mais bien des idées reçues. Ne serait-ce que pour ça, ce petit ovni sans prétention mérite le détour.

En salle

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Yannick

Comédie noire

Yannick

Quentin Dupieux

Avec Raphaël Quenard, Pio Marmaï, Blanche Gardin

1 h 07

7/10