Le Festival du nouveau cinéma, qui bat son plein jusqu’au 15 octobre, présente encore cette année plusieurs œuvres qui ont fait le plaisir des cinéphiles dans les grands festivals récemment. Voici les films à ne pas manquer, et ceux à découvrir, selon nos journalistes qui les ont vus dans les derniers mois.

Les incontournables

La passion de Dodin Bouffant, de Trân Anh Hùng

Dodin Bouffant (Benoît Magimel) tente depuis deux décennies de convaincre Eugénie (Juliette Binoche) de l’épouser. Il est un gastronome de réputation internationale, considéré comme le « Napoléon de l’art culinaire », l’égal des grands chefs Carême et Escoffier. Elle est sa cuisinière et son amante. Dans un ultime effort, il va lui préparer méticuleusement un repas digne d’une reine. Jamais on n’a vu une telle déclaration d’amour, par plats fins interposés, au cinéma. Inspiré d’un roman de Marcel Rouff publié en 1924, La passion de Dodin Bouffant, film d’ouverture du 52e Festival du nouveau cinéma, rappelle par sa démesure gastronomique Le festin de Babette. On valse en cuisine avec Dodin et Eugénie pendant qu’ils préparent un festin pour des amis, grâce aux mouvements fluides de caméra et à la chorégraphie de Trân Anh Hùng. La qualité française, dans l’art culinaire (le triple étoilé Michelin Pierre Gagnaire a agi à titre de consultant) et cinématographique, s’exprime à travers ce film élégant et émouvant, mais académique, didactique et lisse, qui a valu au cinéaste le Prix de la mise en scène au plus récent Festival de Cannes.

Marc Cassivi, La Presse

Au cinéma Impérial le 12 octobre, 18 h

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Vampire humaniste cherche suicidaire consentant, d’Ariane Louis-Seize

Formidable film de vampires à l’humour noir, doublé d’un récit d’apprentissage attendrissant, Vampire humaniste cherche suicidaire consentant, le premier long métrage d’Ariane Louis-Seize, coscénarisé avec Christine Doyon, est un numéro d’équilibriste réussi entre le drame et la comédie, sur un sujet aussi grave et délicat que le suicide. C’est l’histoire de Sasha (Sara Montpetit), une adolescente qui refuse de céder à sa nature sanguinaire et de mordre un être humain. Elle se contente de boire du sang à la paille dans les sachets à sa disposition dans le frigo familial. Son père (Steve Laplante) la soutient dans sa différence, mais sa mère (Sophie Cadieux) est moins indulgente. Sasha est envoyée par ses parents vivre chez sa cousine et s’inscrit à leur insistance dans un groupe d’aide pour dépressifs anonymes. Elle y rencontre Paul (Félix-Antoine Bénard), un garçon timide, qui ne trouve pas de sens à sa vie. Sasha lui propose un marché. Le résultat est un film sensible et beau, qui multiplie les métaphores et les sous-entendus, notamment sur les maladresses et le stress de la « première fois ». Il a valu à Ariane Louis-Seize le premier prix de la section Giornate degli Autori de la 80e Mostra de Venise, il y a quelques semaines.

Marc Cassivi, La Presse

Au cinéma Impérial le 10 octobre, 19 h ; au Cineplex Quartier latin le 12 octobre, 18 h 30

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La bête, de Bertrand Bonello

PHOTO CAROLE BETHUEL, FOURNIE PAR LE FESTIVAL DU NOUVEAU CINÉMA

La bête

La bête, de Bertrand Bonello, drame rétrofuturiste librement inspiré d’une nouvelle d’Henry James datant de 1903, est un film élégant et énigmatique, troublant et anxiogène, qui se déroule dans des univers parallèles et un espace-temps variable, avec des allers-retours constants entre le passé (1910), le présent (2014, en fait) et le futur (2044). Bonello parvient à maintenir une ambiance d’inquiétude pendant toute la durée de ce film somptueux et glacial, mystérieux et parfois opaque, qui dévoile peu à peu ses multiples couches. Le récit alterne entre le français et l’anglais, Paris et Los Angeles. Léa Seydoux incarne tour à tour une actrice française à Hollywood, une pianiste mariée à un fabricant de poupées qui croise un jeune Londonien (George MacKay) à qui elle a révélé un sombre pressentiment, et une femme qui hésite à se soustraire à une purification de son ADN, afin de se couper de ses sentiments. Bonello, à qui le FNC rend hommage cette année, aborde les craintes liées à l’envahissement de l’intelligence artificielle ou encore à la culture misogyne des incels, avec des procédés qui rappellent notamment certains films de Michael Haneke (Benny’s Video, Funny Games).

Marc Cassivi, La Presse

Au cinéma Impérial le 11 octobre, 19 h ; au Cineplex Quartier latin le 15 octobre, 16 h 30

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Priscilla, de Sofia Coppola

L’adaptation par Sofia Coppola de la biographie de Priscilla Presley, Elvis and Me, parue en 1985, est une œuvre subtile et intimiste, minimaliste et impressionniste, sur l’émancipation d’une femme sous le joug d’un pygmalion depuis l’adolescence. Un récit en parfaite adéquation avec le reste de la filmographie de Sofia Coppola, à propos de jeunes femmes en quête de liberté, qui s’élève par sa maîtrise au-dessus de la mêlée des Bling Ring, Beguiled et On the Rocks. Priscilla Beaulieu n’a que 14 ans et Elvis Presley, 10 ans de plus, quand ils se rencontrent en 1959. C’est à partir de ce moment, et à travers les yeux de Priscilla Presley, que Sofia Coppola raconte cette histoire d’amour mythique que l’on qualifierait aujourd’hui de toxique. Jusqu’à la séparation du couple, en 1973. Sofia Coppola a fait le choix judicieux de confier ces rôles iconiques à des acteurs méconnus. L’Australien Jacob Elordi, qui ne tente pas d’imiter Elvis, dégage une énergie à la fois attendrissante et terrifiante. L’Américaine Cailee Spaeny, 25 ans, est tout à fait convaincante, à la fois dans la peau d’une adolescente enamourée de 14 ans et dans celle d’une femme émancipée de 28 ans. Elle a remporté le Prix de la meilleure actrice, le mois dernier, à la Mostra de Venise.

Marc Cassivi, La Presse

Au cinéma Impérial le 8 octobre, 21 h ; au Cinéma du Parc le 15 octobre, 20 h

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À découvrir

Music, d’Angela Schanelec

PHOTO FOURNIE PAR LE FESTIVAL DU NOUVEAU CINÉMA

Aliocha Schneider dans Music

Le Montréalais Aliocha Schneider interprète Jonathan, un Œdipe moderne qui chante plus qu’il ne parle, dans Music d’Angela Schanelec, une relecture très libre du célèbre mythe grec, présentée en compétition à la Berlinale en février dernier. Music raconte le parcours tragique de Jonathan, abandonné peu après sa naissance dans les montagnes grecques, puis adopté par l’ambulancier qui l’y a trouvé. À l’âge adulte, alors qu’il est étudiant, il tue accidentellement un jeune homme et est envoyé en prison où Iro (Agathe Bonitzer), une surveillante, s’entiche de lui. La cinéaste allemande joue avec le temps, en brouillant les pistes et en multipliant les ellipses. Elle n’épouse pas le moindrement les codes narratifs habituels et impose d’emblée ceux de la tragédie grecque – le jeu stoïque et placide des acteurs est résolument théâtral. Music est un film d’ambiances indolentes et de longs silences. Aliocha Schneider ne prononce pas un seul mot pendant les 30 premières minutes du film et le reste de ses répliques se comptent sur les doigts d’une main. C’est par la musique et par ses chansons que son personnage s’exprime dans ce film énigmatique, atmosphérique, austère, abstrait et franchement exigeant.

Marc Cassivi, La Presse

Au Cineplex Quartier latin le 8 octobre, 15 h ; à la Cinémathèque québécoise le 9 octobre, 19 h 15

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Voyages en Italie, de Sophie Letourneur

PHOTO FOURNIE PAR LE FESTIVAL DU NOUVEAU CINÉMA

Voyages en Italie

Des vacances qui tournent mal deviennent le prétexte idéal à cette comédie burlesque qui évoque le classique de Roberto Rossellini. L’actrice et réalisatrice Sophie Letourneur (Énorme) forme un couple particulièrement crédible auprès de Philippe Katerine qui trouve un de ses meilleurs rôles au cinéma. Leur chimie irrésistible, ainsi que les situations souvent hilarantes, les dialogues qui fondent dans la bouche et la mise en scène en forme de faux documentaire insufflent une bonne humeur constante à ce récit un brin répétitif. Le duo doit d’ailleurs faire le voyage jusqu’à Montréal pour présenter le long métrage.

Martin Gignac, collaboration spéciale

Au Cineplex Quartier latin le 7 octobre, 17 h 45 et le 8 octobre, 15 h 30 ; au Cinéma du Musée le 9 octobre, 16 h

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Do Not Expect Too Much from the End of the World, de Radu Jude

PHOTO FOURNIE PAR LE FESTIVAL DU NOUVEAU CINÉMA

Do Not Expect Too Much from the End of the World

Après avoir remporté l’Ours d’or pour son décoiffant Bad Luck Banging or Loony Porn, Radu Jude propose un nouvel ovni inclassable et subversif. En suivant une jeune femme qui cherche à s’entretenir avec des ouvriers handicapés, l’enfant terrible du cinéma roumain dresse un portrait implacable du capitalisme néolibéral et de l’ère numérique. L’ingéniosité de la mise en scène rappelle le Godard des beaux jours, l’humour cynique fait mouche et les références coulent à flots. L’ensemble traîne peut-être en longueur, mais il s’agit d’une immense satire politique, brillante et nécessaire.

Martin Gignac, collaboration spéciale

Au Cinéma du Parc le 7 octobre, 18 h 15 ; au Cineplex Quartier latin le 9 octobre, 19 h 45 ; au Cinéma du Parc, le 14 octobre, 18 h

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Les filles d’Olfa, de Kaouther Ben Hania

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Les filles d’Olfa

Une mère de famille embauche des actrices professionnelles pour combler l’absence de ses deux filles aînées. Tel est le point de départ de ce film exceptionnel de Kaouther Ben Hania (L’homme qui a vendu sa peau), qui se veut à la fois une puissante thérapie cathartique et une passionnante réflexion sur le cinéma. Le dispositif hybride entre le réel et la fiction permet de saisir toute la complexité de cette femme – et de son pays, la Tunisie – qui évolue dans un milieu où violence et liberté sont souvent liées. Une œuvre bouleversante.

Martin Gignac, collaboration spéciale

Au Cinéma Impérial le 9 octobre, 16 h 30 ; au Cineplex Quartier latin 14 octobre, 20 h 30

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