Bernard Émond est un cinéaste unique au Québec. Qu’on admire ou qu’on rejette. Son cinéma est fait de nuances, avec un souci du détail presque maniaque. Le réalisateur et scénariste, anthropologue de formation, est aussi un ethnologue du cœur humain.

Depuis 30 ans, ses films au rythme lent, avec des plans semblant sortis de toiles des maîtres anciens, reflètent le côté obscur du cœur ; son inclinaison au malheur. Qui vient d’une seule chose, pour citer Pascal, soit « de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre ». Bernard Émond est un cinéaste de chambre.

Alors que le cinéma actuel carbure aux superproductions et aux superhéros, le réalisateur de La donation fait des films à contre-courant. Une femme respectable, son nouveau long métrage – qu’on annonce comme son dernier – inspiré d’une nouvelle de Pirandello, est un film qui fait du bien à l’âme.

Parce qu’il se dépose en nous par petites couches, pudiquement, ce film ressemble à un anachronisme. Une femme respectable parle de charité, de pardon, de doute, de partage… Des thèmes qu’on voit peu sur nos écrans en 2023. Aux certitudes de notre époque, le cinéaste expose ce qui ronge et trouble les esprits chagrins.

Un drame en hiver

Trois-Rivières, au début des années 1930. Rose (Hélène Florent) est séparée de son mari depuis 11 ans. À la demande du curé du coin (Paul Savoie, très juste), cette femme seule, héritière d’une famille aisée, accepte de l’héberger chez elle, après la mort de sa seconde concubine. Le mari, Paul-Émile (Martin Dubreuil), amène avec lui ses trois jeunes filles qu’il a eues de son union illégitime.

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Rose Lemay est interprétée avec brio par Hélène Florent.

L’adaptation d’Émond reste fidèle à la psychologie pirandellienne. Les protagonistes ont chacun leur vérité. Le couple séparé s’aime toujours, mais très mal. Ce sont deux solitudes qui se cherchent, sans trouver de réponses toutes faites à leur drame intérieur. « Il faut savoir pardonner », dit le curé à Rose, car le pardon nous apporte la paix intérieure.

Les trois quarts du film se passent en hiver et se déroulent à l’intérieur de la maison de Rose, dans un décor cossu, sombre et feutré. Le récit coule au rythme des mois, entrecoupé d’images de neige et de glaces qui dérivent sur l’eau du fleuve. Le Saint-Laurent, colonne vertébrale du Québec, est un personnage dans le cinéma d’Émond.

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Martin Dubreuil est très émouvant dans le rôle du mari ténébreux et maladroit, mais avec un bon fond.

La direction d’acteurs est très précise. En Rose, Hélène Florent semble porter un voile de tristesse sur son visage tout au long du récit, sauf lors de brefs instants de joie avec les fillettes. La comédienne est remarquable. Son partenaire est aussi vrai et touchant dans le rôle du mari ténébreux et maladroit, mais avec un bon fond, comme on dit. Il n’y a que le jeu des enfants qui nous a semblé artificiel. Et la conclusion du drame, un peu précipitée.

Malgré ces bémols, ce nouvel opus du réalisateur de 72 ans possède de belles et indéniables qualités.

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Une femme respectable

Drame

Une femme respectable

Bernard Émond

Hélène Florent, Martin Dubreuil, Paul Savoie

1 h 43
En salle

7,5/10