La rumeur qui émane de Sundance était fondée. Talk to Me, des jumeaux Danny et Michael Philippou, est une des œuvres les plus dérangeantes de l’année, plongeant au cœur même de l’horreur. Difficile de ne pas en ressortir hanté.

Il ne s’agit pas d’un film de possession supplémentaire et vite oublié, comme l’étaient The Pope’s Exorcist et Insidious : The Red Door qui ont pris l’affiche plus tôt cette année. Au contraire, le premier long métrage des cinéastes australiens s’abreuve à la source du classique The Exorcist, de William Friedkin, pour en offrir des variations insoupçonnées.

La plus éloquente est de situer l’action dans la réalité adolescente d’aujourd’hui, dictée par les réseaux sociaux et les vidéos en ligne. Afin de s’amuser, des amis décident de se filmer pendant une séance de possession qui consiste à serrer une main étrange et dire « parle-moi » afin d’accueillir en soi l’esprit d’un défunt. Personne n’a cependant tenu ladite main plus de 90 secondes...

C’est pourtant l’exploit de Mia (Sophie Wilde), qui tente de faire le deuil de sa mère et d’oublier la dépression de son père en se perdant dans ce jeu. Ces séances de spiritisme font l’effet d’une drogue. Surtout chez cet être solitaire et instable dont le seul désir en se raccrochant à cette main est de créer un contact avec autrui.

C’est là qu’une brèche s’ouvre entre le monde virtuel et spirituel. La mère de Mia en émane, fragilisant encore davantage la santé psychologique et mentale de sa fille, qui ne distingue plus les illusions de la réalité.

Sophie Wilde est le vecteur par excellence de toute cette souffrance, portant le récit sur ses épaules. Un premier grand rôle au cinéma pour cette star en devenir. Elle est entourée de convaincants nouveaux visages, dont celui, médusé, de l’éploré Joe Bird sur qui s’abat la destinée.

PHOTO FOURNIE PAR A24 FILMS

Joe Bird dans Talk to Me

Les effets spéciaux pratiques et les maquillages à l’ancienne apportent un charme non négligeable à l’ensemble. C’est le cas notamment lors des délirantes et cauchemardesques séquences de possession qui sortent des sentiers battus, créant leur lot de frissons.

Loin des vidéos amusantes qui ont fait leur renommée sur leur chaîne YouTube RackaRacka, les frères Philippou proposent une œuvre mature et maîtrisée, choquante à bien des égards, dont la grande violence et les visions d’épouvante happent physiquement certaines âmes... tout en faisant hurler de rire les autres.

Un audacieux mélange de genres qui aurait difficilement pu provenir d’un grand studio hollywoodien.

Une fois passée l’inquiétante introduction, le film construit minutieusement son ambiance à l’aide d’étonnants effets sonores qui développent l’atmosphère et tiennent les spectateurs sur le bout de leur fauteuil. Une intensité de chaque instant, malheureusement atténuée par quelques sursauts gratuits.

Cette tension culmine par une conclusion enlevante qui donne un sens nouveau à tout ce qui précède. Un retournement de situation qui n’est pas sans rappeler The Others, d’Alejandro Amenábar.

En plus d’amener du sang neuf à un concept usé jusqu’à la moelle, Talk to Me construit sa propre mythologie, un peu de la même manière que Hereditary, d’Ari Aster, ou Get Out, de Jordan Peele. Tous les éléments sont là – le kangourou ensanglanté, le jaune qui domine un code de couleurs singulier, le sort lié aux orteils – pour favoriser des visionnements successifs et rendre l’effort culte. Ce serait pleinement mérité, même s’il s’agit davantage d’un très bon divertissement que d’une nouvelle référence en la matière.

En salle

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Talk to Me (V. F. : Parle-moi)

Horreur

Talk to Me (V. F. : Parle-moi)

Danny et Michael Philippou

Avec Sophie Wilde, Alexandra Jensen, Joe Bird

1 h 35

7,5/10