Après avoir déniché un emploi dans un cabaret, un jeune Pakistanais vivant avec sa femme dans une maison de Lahore, où cohabite aussi la famille – exigeante – de son frère au grand complet, tombe sous le charme d’une meneuse de revues trans. Comment résister à cet irrésistible appel de liberté ?

En guise de premier long métrage, le cinéaste Saim Sadiq propose un récit « totalement fictif, mais autobiographique ». Entendez par là que cette œuvre est le fruit d’un amalgame de choses ressenties et vécues depuis l’enfance par un jeune homme n’ayant jamais été assez viril, dit-il, pour vivre dans une société patriarcale, encore moins répondre à ses exigences.

C’est pourtant ce que se résigne à faire Haider (Ali Junejo), un jeune homme subissant l’insatisfaction de sa famille à son égard, particulièrement celle du patriarche, qui le somme de faire un « homme » de lui-même en trouvant un emploi et en devenant père. Dans cette dynamique étouffante, Mumtaz (Rasti Farooq), la femme de Haider, est la seule à le regarder amoureusement, appréciant sans doute le caractère plus sensible de cet homme pas comme les autres. Le cinéaste fait de cette jeune femme un superbe personnage. C’est d’ailleurs elle qui gagne la vie du couple pendant que le mari est au chômage.

PHOTO FOURNIE PAR OSCILLOSCOPE LABORATORIES

Ali Junejo et Alina Khan dans Joyland, premier long métrage de Saim Sadiq

Construit autour d’une histoire d’amour naissante entre le jeune homme et Biba (Alina Khan), la meneuse de revues trans du cabaret où il s’est enfin déniché un petit boulot et pour qui il ne peut s’empêcher d’éprouver des sentiments, le récit repose sur l’éternel dilemme entre tradition et modernité. Et mêle avec subtilité des préoccupations intimes et sociales.

Évitant les clichés attendus, Saim Sadiq expose la complexité du sentiment amoureux et refuse tout manichéisme dans son récit. L’illustration du monde du spectacle reste plutôt sobre, malgré son caractère intrinsèquement flamboyant. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Joyland comporte aussi un aspect éminemment politique, et cette scène où Haider transporte sur sa moto un panneau publicitaire immense de Biba dans les rues de Lahore constitue à cet égard un beau clin d’œil. Bien que les deux films n’aient rien à voir, on sera également tenté d’établir un lien avec Close, un long métrage réalisé par un cinéaste issu de la même génération (Lukas Dhont), qui se questionne en outre sur les conséquences qu’ont les codes de la masculinité sur ceux qui ne peuvent y correspondre.

Lauréat du prix de la section Un certain regard et de la Queer Palm – une première pour une production pakistanaise à Cannes –, Joyland est à l’affiche en version originale avec sous-titres français.

En salle

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Joyland

Drame

Joyland

Saim Sadiq

Avec Ali Junejo, Alina Khan, Sania Saeed

2 h 06

7,5/10