Lorsque sa fille quitte Paris avec son mari pour échapper à son emprise, une marquise entreprend de lui écrire chaque jour.

Entre 1671, année du départ de sa fille en Provence, et 1696, année de sa mort, la marquise Marie de Rabutin-Chantal, mieux connue sous le nom de Madame de Sévigné (Karin Viard), a écrit plus de 760 lettres à sa fille Françoise (Ana Girardot). Sans le savoir, l’ardente épistolière, qui fréquentait les mêmes salons que Madame de La Fayette (Noémie Lvovsky) et Monsieur de La Rochefoucauld (Robin Renucci), allait offrir à la littérature française ses plus belles lettres.

Le long métrage homonyme que lui consacrent la réalisatrice Isabelle Brocard (Ma compagne de nuit) et son coscénariste Yves Thomas (Saint-Cyr, de Patricia Mazuy) fait toutefois bien peu de place au génie littéraire de la dame. Au moins nous épargnent-ils les détails triviaux quant à l’hygiène de vie de la marquise, qui se plaisait autant à relater à sa fille les cancans de la cour du Roi-Soleil que ses problèmes de digestion.

Objet d’adoration de sa mère, Françoise se sent écrasée par cette femme éprise de liberté, qui brille en société grâce à son esprit vif et la présente comme un prolongement d’elle-même. Inséparables jusqu’au mariage tardif (pour l’époque) de Françoise avec le comte de Grignan (Cédric Kahn), nommé lieutenant-général de Provence par Louis XIV, les deux femmes vivront maintes disputes et réconciliations au gré d’une colossale correspondance et d’intenses retrouvailles.

Madame de Sévigné paraît peu aimable dans l’œil d’Isabelle Brocard, qui déboulonne le fascinant monument littéraire qu’incarne avec grâce et conviction Karin Viard. C’est d’ailleurs le talent de l’actrice, jumelé à celui d’Ana Girardot, qui campe sa fille avec fougue et élégance, qui brille le plus dans ce film en costumes où la simplicité l’emporte sur l’excentricité. Ainsi la réalisatrice favorise les scènes extérieures ensoleillées afin de rappeler l’amour de Madame de Sévigné pour la nature ; au faste de la cour, elle préfère la sobriété des salons intimes.

S’ils célèbrent l’humour caustique et le verbe raffiné de la belle marquise, dans des dialogues qui sonnent souvent de manière artificielle, la cinéaste et son complice s’acharnent à la montrer en mère abusive, intrigante et manipulatrice. Ils s’appliquent également à décortiquer la relation toxique entre ce monstre d’égoïsme et sa fille, qui s’émancipe grâce à l’esprit d’indépendance que lui a ironiquement inculqué sa mère.

Ce faisant, Isabelle Brocard et Yves Thomas développent à peine les personnages évoluant autour des Sévigné mère et fille, négligent l’union entre Françoise et Grignan et évacuent toutes les intrigues politiques du Grand Siècle. En s’attardant à illustrer la mélancolie qu’éprouve la première en l’absence de la seconde, Madame de Sévigné distille l’ennui.

En salle

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Madame de Sévigné

Drame

Madame de Sévigné

Isabelle Brocard

Karin Viard, Ana Girardot, Cédric Kahn

1 h 32

6/10