J’ai vu Beau Is Afraid deux fois. C’est dire que j’ai passé six heures dans l’univers extrêmement particulier d’Ari Aster, chantre américain du cinéma anxiogène depuis Hereditary et Midsommar.

Le deuxième visionnement n’a fait que confirmer l’impression ressentie au premier : pour les admirateurs ayant tripé sur les deux premiers longs métrages au point de vouer un véritable culte au cinéaste de 36 ans, ce nouvel opus sera un enchantement. Pour les autres, pas tant...

Le récit commence par une évocation de la naissance de Beau (Joaquin Phoenix), un type pour qui le bonheur est un concept inexistant. Dans le bureau de son psy (Stephen McKinley Henderson), il explique devoir partir le lendemain à Wasserton, une ville fictive où habite sa mère (Patti Lupone), histoire de commémorer la mort de son père. Ce point de départ, relativement simple, déclenchera un délire cauchemardesque de trois heures, divisé en quelques parties distinctes.

PHOTO FOURNIE PAR SPHÈRE FILMS

Joaquin Phoenix plonge tête première dans le délire cauchemardesque qu’est Beau Is Afraid (Beau a peur).

Habitant un appartement délabré dans un quartier très urbain fréquenté par une faune bigarrée, Beau est victime de divers évènements faisant en sorte qu’il rate son vol vers Wasserton.

En proie à la paranoïa, il apprend du même coup, dans un sommet d’humour noir, les circonstances d’une tragédie survenue plus tôt dans la journée. Dans un climat exacerbé, ce chapitre prend fin alors que Beau se retrouve à fuir dans la rue flambant nu...

Quand il se réveille, blessé, dans la chambre d’une jeune fille rebelle d’une famille dont la trop grande bienveillance est forcément suspecte, Beau se trouve à la merci d’un médecin (Nathan Lane) qui le soigne dans sa maison privée, en compagnie de sa femme bien-aimée (Amy Ryan). C’est dans cette partie qu’on fera la rencontre d’un personnage – ancien militaire en choc post-traumatique – qu’on retrouvera dans tous les épisodes suivants. Interprété par Denis Ménochet, qui met toute sa fougue dans les crises d’un colosse qu’on calme à coups de tranquillisants injectés dans le dos, ce dernier est hébergé par la même famille à titre d’ancien compagnon d’armes d’un fils disparu à la guerre.

Aussi foisonnant qu’étrange

On ne décrira pas ici tous les épisodes d’un récit aussi foisonnant qu’étrange, mais disons que Beau – dans une partie qui nous est apparue superflue – se retrouve à un moment donné en pleine forêt devant une espèce de secte théâtrale – on les appelle Les orphelins de la forêt – dont les membres reproduisent sur scène une vie parallèle familiale dans laquelle Beau, maintenant un vieil homme, aurait pu se projeter. Évidemment, ce chapitre, comme tous les autres, finit très mal.

Vient ensuite la visite dans la maison très chic de Wasserton, également marquée par quelques gags macabres très réussis, où Beau retrouve une amie d’enfance (Parker Posey) avec qui il consent un rapport sexuel dont la finalité provoque un phénomène, disons, bizarre. C’est aussi dans cet épisode que Beau apprendra la vérité sur son père et qu’on fera le procès de sa vie dans un stade...

Dans cette épopée diablement freudienne, où l’on crie beaucoup, on pourra souscrire – ou pas – au type d’humour du cinéaste dans une histoire comportant pourtant de tragiques éléments à la base. C’est d’ailleurs sous cet angle que Joaquin Phoenix a abordé son personnage. Fidèle à son habitude, l’interprète du Joker plonge tête première dans ce cauchemar permanent sans se préserver.

À l’arrivée, Beau Is Afraid (Beau a peur en version française) n’a rien d’un film aimable. Soyez prévenu.

En salle

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Beau Is Afraid
(V. F. : Beau a peur)

Comédie dramatique

Beau Is Afraid
(V. F. : Beau a peur)

Ari Aster

Avec Joaquin Phoenix, Patti Lupone, Nathan Lane

2 h 59

7/10