Des femmes victimes de violences dans leur communauté se demandent si elles doivent partir ou rester et débattent des conséquences de leurs choix (seront-elles malgré tout accueillies au « royaume des cieux » ?).

Women Talking, adaptation du roman homonyme de la Canadienne Miriam Toews à propos d’agressions sexuelles dans une communauté religieuse mennonite (dont est issue la romancière manitobaine), est le premier long métrage de Sarah Polley en plus d’une décennie.

Stories We Tell, documentaire sur sa mère, morte alors que la cinéaste avait 11 ans, a pris l’affiche en 2012. Sarah Polley y dévoilait qu’elle était née d’une relation extraconjugale de sa mère, une agente de casting, avec le producteur montréalais Harry Gulkin. Depuis, elle n’a signé qu’un scénario, celui de l’excellente série télévisée Alias Grace, adaptation d’un roman de Margaret Atwood. Une importante commotion cérébrale l’avait tenue loin des plateaux de tournage ces dernières années.

Women Talking est un retour à la fiction pour la cinéaste d’Away from Her et de Take This Waltz, d’abord connue pour son jeu d’actrice dans l’enfance puis dans des films d’Atom Egoyan, Isabel Coixet et Jaco Van Dormael, notamment. Il s’agit d’une charge à fond de train contre le patriarcat, inspirée de faits réels dans une communauté religieuse en Bolivie, mais qui ratisse bien au-delà des carcans religieux.

Une dizaine de femmes – ainsi que leurs filles –, victimes de viols et de violences dans leur communauté, se demandent si elles doivent ne rien faire ou réagir. Elles ont été mandatées par les autres femmes de la communauté pour déterminer la marche à suivre, après un référendum spontané.

Les hommes de la communauté, absents pour la journée, leur demandent de pardonner à leurs agresseurs, sous peine d’être excommuniées, alors qu’elles tentent de concilier leur foi et leur dignité.

La profonde injustice qu’elles subissent, l’état d’esclavage, d’ignorance dans lequel on les maintient – elles sont illettrées – sont révoltants. On se croirait au début du siècle dernier – ce à quoi contribuent les couleurs saturées des images, à la limite du monochrome –, alors que le récit est campé en 2010.

Sarah Polley a réussi à créer un huis clos tendu, terriblement dur et poignant, d’une facture théâtrale à la Douze hommes en colère, de Sidney Lumet, qui fait penser à la fois au Ruban blanc, de Michael Haneke, et à La servante écarlate, de Margaret Atwood. Au-delà de la partition théâtrale, il y a une subtilité dans sa mise en scène et une profondeur dans ses dialogues qui font de Women Talking un objet de cinéma unique et particulier.

Ce film percutant compte sur une distribution épatante : Jessie Buckley, Rooney Mara et Claire Foy se distinguent particulièrement dans des rôles aux antipodes les uns des autres. Mariche (Jesse Buckley) souffre en quelque sorte du syndrome de Stockholm face à son mari violent. Salome (Claire Foy) en veut à mort à ceux qui s’en sont pris à ses enfants. Ona (Rooney Mara), enceinte de son agresseur, se fait la plus philosophe, au grand dam de celles qui réclament des actions.

Ces femmes sont entourées par leurs mères, leurs sœurs, leurs filles, et un seul homme, August (Ben Whishaw), l’instituteur des garçons, qui prend les notes de leur réunion et tente de leur donner une voix.

Sarah Polley, tout en signant une œuvre foncièrement féministe, évite les écueils du manichéisme. La finaliste à l’Oscar du meilleur scénario adapté pour Away from Her, en 2008, livre l’un des films les plus brillants de la dernière année et le long métrage le plus abouti de sa carrière.

En salle

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Women Talking
(V. F. : Ce qu’elles disent)

Drame

Women Talking
(V. F. : Ce qu’elles disent)

Sarah Polley

Avec Rooney Mara, Claire Foy, Jessie Buckley

1 h 44

8/10