Comme la plupart des œuvres que propose Denis Côté, Un été comme ça ne sera d’évidence pas du goût de tous. Le plus singulier des cinéastes québécois aborde cette fois des thèmes liés à la sexualité, rarement traités dans le cinéma québécois avec autant de liberté d’esprit que de délicatesse.

Le 14e long métrage du réalisateur de Curling est aussi son plus long. Pendant les 137 minutes que dure la projection, ce rythme plus lent n’est pourtant jamais contraignant. Comme si cette façon de prendre bien son temps pour battre la mesure s’était imposée pour donner du souffle à une histoire qui, finalement, n’en est pas vraiment une…

Au début, il n’y a que des visages en gros plan. La directrice de l’évènement vient expliquer aux gens à qui elle s’adresse le pourquoi du comment de cet étrange atelier, auquel trois jeunes femmes menant une vie sexuelle « hors norme », aux yeux de la société, ont volontairement accepté de participer. On leur explique alors les règlements auxquels elles devront quand même se soumettre pendant les 26 jours que durera un exercice relevant davantage de l’étude que de la thérapie. On leur présente également les deux professionnels (Anne Ratte-Polle et Samir Guesmi) qui les observeront pendant leur séjour, en toute discrétion.

Le but n’est pas tant de soigner — ce ne sont pas des « patientes » — que d’explorer les confins du désir sexuel, lequel, dans le cas de ces femmes, peut parfois emprunter des formes extrêmes. « C’est un cheminement, pas un traitement », leur indique-t-on d’emblée.

PHOTO FOURNIE PAR MAISON 4:3.

Scène tirée d’Un été comme ça, de Denis Côté

Elles sont trois, donc. On apprend progressivement d’où viennent ces femmes, interprétées par Larissa Corriveau, Aude Mathieu et Laure Giappiconi, et ce qui les a menées vers ce programme particulier, sans toutefois jamais tomber dans le psychologisme. Là se situe la force du récit. Le spectateur et les héroïnes sont toujours au même niveau de compréhension, dans une espèce de bulle où la réalité quotidienne n’a plus vraiment d’emprise.

Sans jugement ni provocation

On parle beaucoup de sexe, évidemment. Denis Côté a pourtant réussi l’exploit d’illustrer franchement les pratiques de ces femmes « hypersexuelles », sans pour cela avoir jamais recours à des images explicites. Il y a, au contraire, une infinie délicatesse dans le regard, même dans les séquences les plus frontales. Sur ce plan, l’approche qu’emprunte le cinéaste impressionne. Retenons notamment cette scène très puissante avec Léonie (Larissa Corriveau), une adepte du shibari, alors que plusieurs minutes sont consacrées à la préparation d’une séance prenant toutes les allures d’un rituel. Un assemblage de câbles orchestré avec un savant mélange de douceur et de précision est montré ici dans toute sa complexité, comme la composition d’un tableau, sans aucun effet de voyeurisme.

Le jugement moral est complètement absent de la démarche du cinéaste, tout désir de provocation également. La cohabitation de cinq individus pendant 26 jours dans cet endroit isolé des Laurentides entraînera des discussions et des moments plus intenses sur le plan des relations personnelles, peut-être même certaines réflexions chez certains d’entre eux. Mais il n’y a aucune démonstration de quoi que ce soit. À l’arrivée, nous aurons passé un instant de vie avec elles, avec lui aussi, comme un moment suspendu dans l’espace, hors du temps, avec la satisfaction d’avoir vécu une expérience, peu importe ce qu’il en adviendra ensuite. La qualité du jeu des cinq personnages principaux est à souligner, tout autant qu’une vision picturale singulière, propre au cinéma de Denis Côté.

En lice pour l’Ours d’or au festival de Berlin plus tôt cette année, pendant lequel une première version de ce texte a été publiée, Un été comme ça est maintenant à l’affiche.

Un été comme ça

Drame

Un été comme ça

Denis Côté

Avec Larissa Corriveau, Laure Giappiconi, Aude Mathieu

2 h 17

7/10

En salle