Au Festival de Cannes, où il a été présenté hors compétition, Elvis a été porté aux nues par les uns, voué aux gémonies par les autres. Chef-d’œuvre ou navet ? La vérité se situe évidemment entre ces deux pôles. Le nouvel opus de Baz Luhrmann, un cinéaste connu grâce à son approche flamboyante de la mise en scène, est indéniablement spectaculaire.

Les crédits liés à l’écriture du scénario et la façon dont ils sont formulés au générique laissent cependant deviner un travail plus laborieux à ce chapitre. À force de vouloir tout raconter en un peu plus de deux heures et demie, le réalisateur de Moulin Rouge a forcément dû tourner les coins ronds. Luhrmann a d’ailleurs révélé tout récemment l’existence d’une version de quatre heures de son nouveau film, qu’il offrira peut-être un jour.

L’idée principale de raconter la vie d’Elvis Presley à travers celle de son impresario est évidemment intéressante, d’autant que, alors qu’on le rencontre à la fin de sa vie, le colonel Parker affirme d’emblée qu’il est le méchant de l’histoire. En inventant une nouvelle façon de pratiquer son métier, en exploitant à son profit le talent exceptionnel de son poulain, le vieil homme comporte en lui-même une part de personnage shakespearien. Dommage que la performance de Tom Hanks, qui joue pour l’une des premières fois de sa carrière un type peu aimable, soit pratiquement annihilée par un accent improbable et trop de prothèses.

Une première partie plus convaincante

La relation tumultueuse entre l’artiste et le colonel Parker reste ainsi traitée en surface, mais l’intérêt est ailleurs. Il réside dans cet attrait qu’a d’abord cet enfant blanc, issu d’une famille modeste du Mississippi, pour une culture gospel qui le met en transe. Il est dans ce jeune homme timide qui découvre l’ascendant qu’il peut avoir sur une foule dès qu’il met le pied sur une scène. Il est aussi dans cette façon d’embrasser la musique afro-américaine et d’y faire honneur à une époque où l’on ne voyait pas encore le jour où le Sud profond ne serait plus ségrégationniste. Sur ce plan, la première partie du récit est plus convaincante que la seconde, consacrée aux années sombres, beaucoup trop précipitée.

Fidèle à son style clinquant, Baz Luhrmann s’en donne à cœur joie sur le plan visuel. Les séquences recréant les performances scéniques de l’icône sont carrément électrisantes. Visiblement habité, Austin Butler se glisse dans la peau du King avec une dévotion de tous les instants, traduisant à la fois sa présence exceptionnelle sur scène, son sex-appeal, mais aussi sa profonde vulnérabilité.

PHOTO FOURNIE PAR WARNER BROS. PICTURES

Austin Butler dans Elvis, un film réalisé par Baz Luhrmann

Cela dit, Elvis souffre du même écueil que la plupart des drames biographiques consacrés à des vedettes au cours des récentes années, où les performances des acteurs les incarnant ont souvent transcendé la qualité d’ensemble plus ordinaire du film devant les mettre en valeur. C’était vrai pour Respect (Jennifer Hudson en Aretha Franklin), Judy (Renée Zellweger en Judy Garland), The United States vs. Billie Holiday (Andra Day en Billie Holiday), Bohemian Rhapsody (Rami Malek en Freddie Mercury), Rocketman (Taron Egerton en Elton John) ; c’est également le cas pour Austin Butler en Elvis Presley.

Elvis ne sera assurément pas l’œuvre biographique définitive sur l’interprète de Heartbreak Hotel. Les admirateurs purs et durs n’apprendront strictement rien de nouveau et risquent même de s’y perdre un peu. Mais ce long métrage fonctionne sur la base d’un pur divertissement, un peu comme si le spectateur était entraîné dans un grand tour de manège. On en ressort un peu étourdi.

Elvis est à l’affiche en version originale, en version française, de même qu’en version originale sous-titrée en français.

Elvis

Drame biographique

Elvis

Baz Luhrmann

Avec Austin Butler, Tom Hanks, Olivia DeJonge

2 h 39
En salle

6/10

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