Quand Volker Schlöndorff a proposé la toute première adaptation cinématographique de The Handmaid’s Tale, il y a 30 ans, le roman de Margaret Atwood semblait être une pure fiction, puisée à même la plus fertile des imaginations.

Puis, la récente série télévisée, inspirée du même roman, a indiqué que, bien que relevant toujours d’une fiction, le récit évoque quand même un contexte oppressif qui pourrait possiblement devenir réalité un jour, peut-être même plus rapidement qu’on pourrait le croire.

Night Raiders (Les voleurs de la nuit en version française) procède un peu de la même démarche, à la différence qu’à la base de cette histoire fictive se trouve une horrible réalité, laquelle fait intrinsèquement partie de la plus sombre part de l’histoire de ce pays.

Pour son premier long métrage, la réalisatrice Danis Goulet a campé son intrigue en 2043. D’une guerre civile est née la formation d’un seul gouvernement pour toute l’Amérique du Nord, et un mur sur l’ancienne frontière entre les États-Unis et le Canada a été érigé. Au sud habitent les alliés de ce régime militaire, d’extrême droite sur le plan idéologique ; au nord, les rebelles, les parias, les pauvres et les laissés-pour-compte. Dans cette partie du continent, les enfants deviennent la propriété de l’État dès l’âge de 5 ans. Et sont envoyés dans des institutions où on les « éduque » pour en faire de « bons » citoyens, quitte pour cela à les extirper de leur milieu.

PHOTO FOURNIE PAR ENTRACT FILMS

Scène tirée de Night Raiders (Les voleurs de la nuit)

Ayant dû laisser partir sa fille de 11 ans (Brooklyn Letexier-Hart), Niska (Elle-Máijá Tailfeathers, excellente) s’est jointe depuis à une organisation de résistance, sorte de milice crie, bien déterminée à récupérer un à un les enfants et à les extirper des griffes de l’endoctrinement.

À glacer le sang

Ce récit, imaginé par une cinéaste crie-métisse ayant grandi à La Ronge, en Saskatchewan, glace le sang. À la lumière des récentes découvertes – les milliers de sépultures d’enfants dans les pensionnats pour Autochtones –, Night Raiders fait écho, en empruntant les codes du thriller et de la science-fiction, à une douloureuse réalité.

Le film fait aussi écho aux dérives idéologiques dans lesquelles peuvent se vautrer des populations en situation de repli identitaire, comme une réponse aux inévitables changements démographiques qui surgissent dans les sociétés occidentales.

Night Raiders emprunte ainsi la forme d’une allégorie anticipant les réflexes d’une majorité qui se sent tout à coup menacée.

Tirant le maximum de ses modestes moyens, Danis Goulet propose un film de genre dont la force repose essentiellement sur le propos. On apprécie les efforts déployés pour créer un monde aux allures de no man’s land apocalyptique, de même que le jeu d’une distribution d’ensemble généralement solide.

Si la tonalité manque parfois un peu de nerf, Night Raiders se distingue avant tout comme une œuvre dans laquelle une partie de l’histoire des Premières Nations au Canada est enfin racontée du point de vue de ceux qui la portent dans leur ADN. Et dont il reste encore tellement de chapitres à lire.

En salle

Night Raiders

Drame d’anticipation

Night Raiders

Danis Goulet

avec Elle-Máijá Tailfeathers, Brooklyn Letexier-Hart, Alex Tarrant

1 h 37

7/10