Ce premier long métrage de Florian Zeller à titre de réalisateur vient de lui valoir six citations aux Oscars, notamment dans les catégories du meilleur film et de la meilleure adaptation. L’auteur a écrit le scénario de ce film anglophone en collaboration avec le célèbre dramaturge britannique Christopher Hampton (Dangerous Liaisons, Atonement).

Créé à Paris en 2012, avec Robert Hirsch dans le rôle principal, Le père fut d’abord le deuxième volet d’une trilogie amorcée deux ans plus tôt avec La mère, et poursuivie en 2018 avec Le fils. Le dramaturge français Florian Zeller porte lui-même au grand écran sa propre pièce, laquelle a connu un grand succès partout, particulièrement dans les pays anglo-saxons.

Plusieurs œuvres abordent le thème – effrayant – de la démence. La particularité de l’approche de Florian Zeller est d’emprunter le point de vue de celui qui en est atteint, sans ne jamais en décrocher. Tout est ainsi vu à travers les yeux d’Anthony, un homme beaucoup plus âgé que ne l’était Tusker dans Supernova (vu récemment), qui a justement atteint le stade que le personnage qu’interprétait Stanley Tucci dans le film de Harry Macqueen voulait éviter à tout prix. Il est aussi moins agressif que Willis, le patriarche qu’a campé avec brio Lance Henriksen dans Falling. Mais il a ses moments de révolte. Qui n’en aurait pas quand on sent que tout nous échappe ?

Une réalité distordue

Quand The Father commence, on comprend qu’Anthony a emménagé chez sa fille Anne (Olivia Colman) et que la situation commence à être vraiment trop lourde pour elle. D’autant que les infirmières embauchées pour veiller sur le vieil homme irascible démissionnent les unes après les autres. Très habilement, le récit fait écho à la réalité distordue qui envahit le cerveau de celui qui fut déjà, on le devine, un être d’exception, doté d’un charisme incroyable. Il faut d’ailleurs le voir faire son numéro de séduction auprès d’une nouvelle infirmière (Imogen Poots) pour constater à quel point cet homme a pu être drôle et charmeur.

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Anthony Hopkins et Olivia Colman dans The Father (Le père), un film de Florian Zeller

Or, tout s’entremêle maintenant. La mémoire défaille. De vieux souvenirs remontent à la surface et se révèlent aussi douloureux que si les évènements auxquels ils sont liés se déroulaient maintenant. La notion de temps n’existe plus, même avec cette montre à laquelle on s’accroche comme à une bouée de sauvetage. Le cinéaste fait d’ailleurs écho à toute cette confusion dans son récit, et dans sa mise en scène, sans toutefois trop forcer le trait. La structure théâtrale est en revanche plus apparente au cours d’un dernier acte qui laisse le spectateur libre de sa propre interprétation.

Florian Zeller bénéficie d’un atout de taille pour traduire la complexité de cet état mental et des sentiments qui en découlent : Anthony Hopkins. L’acteur, qu’on savait déjà immense, livre ici l’une des plus grandes performances de sa carrière.

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The Father, de Florian Zeller

Car au-delà du caractère « payant » d’un personnage évoquant ce qu’il y a de plus fragile dans la condition humaine, l’acteur module avec une rare maîtrise les moindres nuances d’une perception tronquée, qui n’a plus vraiment d’emprise sur la réalité. Face à lui, Olivia Colman est évidemment parfaite dans le rôle d’une femme déchirée entre son affection pour son père, avec les soins trop lourds qu’il requiert maintenant, et sa propre vie. Grâce à eux, The Father est un film bouleversant.

The Father (Le père en version française) est présentement à l’affiche en version originale anglaise seulement. Il sera offert en vidéo sur demande (y compris en version française) dès le 26 mars.

The Father (V. F. : Le père)

Drame de Florian Zeller

Avec Anthony Hopkins, Olivia Colman, Rufus Sewell

1 h 37

★★★★