Notre regard sur ce nouveau film d’Aaron Sorkin serait-il le même si son sujet n’avait pas une résonance directe avec l’actualité contemporaine ? Peut-être pas. Mais le fait est qu’en rappelant un triste épisode de l’histoire récente américaine, survenu il y a un peu plus de 50 ans, le cinéaste ne pouvait donner un exemple plus éloquent d’une répétition de l’histoire.

The Trial of the Chicago 7 est essentiellement un drame judiciaire, qu’Aaron Sorkin ponctue de retours en arrière et, parfois, de vraies scènes d’archives. En 1968, alors que la guerre du Viêtnam fait rage et que des centaines de milliers de jeunes Américains sont appelés sous les drapeaux, la contestation s’organise et s’accentue. Des militants antiguerre viennent de partout au pays pour manifester dans les rues de Chicago, là où, en cette année électorale, se tient la convention nationale du Parti démocrate, alors au pouvoir. Plus tôt dans l’année, Martin Luther King Jr. et Robert Kennedy ont été assassinés.

Il y a des violences dans les rues, des émeutes, provoquées souvent par des opérations policières agressives. Le maire de la Ville des vents, Richard Daley, ayant refusé aux « antipatriotes » le droit de manifester, les affrontements deviennent inévitables. Une fois au pouvoir, le président Richard Nixon, qui a fait campagne sur « la loi et l’ordre », invoque des mois plus tard une loi antiémeute, interdisant aux « agitateurs » venus de l’extérieur de participer à des manifestations, pour accuser huit organisateurs. L’accusation envers Bobby Seale, cofondateur du mouvement Black Panthers, ayant été invalidée, la bande ne comptera finalement que sept membres.

Aaron Sorkin, à qui l’on doit notamment les séries The West Wing et The Newsroom, évoque en outre la politisation du système judiciaire dès le départ, alors que le nouveau procureur général ne cache pas sa volonté d’instrumentaliser le procès, qui durera des mois, pour neutraliser le mouvement antiguerre et, surtout, prendre sa revanche sur un prédécesseur (Michael Keaton) ayant fait partie d’une administration formée par le parti rival.

Une approche classique

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Joseph Gordon-Levitt dans The Trial of the Chicago 7, un film d’Aaron Sorkin

Affichant son sens de la réplique habituel et sa maîtrise des dialogues qui font mouche, Sorkin orchestre ici un film choral non dénué d’humour, joué par des acteurs qui s’en donnent visiblement à cœur joie.

Signalons les présences de Sacha Baron Cohen, Jeremy Strong, Yahya Abdul-Mateen II et Eddie Redmayne dans les rôles des accusés, et de Mark Rylance, Joseph Gordon-Levitt et Frank Langella du côté des représentants de l’appareil judiciaire.

Empruntant une approche assez classique, Aaron Sorkin, qui signe ici un deuxième long métrage à titre de cinéaste après Molly’s Game, mise non seulement sur les antagonismes entre les accusés et les autorités (le procès est mené par un juge de mauvaise foi, interprété avec brio par Frank Langella), mais aussi sur les dissensions internes entre les accusés. Cette dimension relève probablement davantage de la dramaturgie que de la réalité, mais elle a le mérite de provoquer des discussions intéressantes. Et divertissantes.

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The Trial of the Chicago 7, d'Aaron Sorkin

Même si cet effet de miroir saisissant indique que rien n’a pratiquement changé en 50 ans, ou si peu, il peut aussi refléter une vision plus optimiste en évoquant la possibilité d’un monde plus juste. Jusqu’à la prochaine crise.

The Trial of the Chicago 7 (Les Sept de Chicago en version française) est offert sur Netflix.

★★★½

The Trial of the Chicago 7. Drame d'Aaron Sorkin. Avec Sacha Baron Cohen, Eddie Redmayne, Mark Rylance. 2 h 09.