En ces temps troubles et incertains, une œuvre charmante comme Mon cirque à moi n’est certes pas de refus. Voilà un film qui pourra séduire les gens de tous âges grâce à une approche faisant écho à la magie de l’enfance, tout autant qu’à ce qui nous oblige, de manière parfois un peu brute, à la quitter.

S’inspirant de souvenirs puisés à même une enfance pas comme les autres, Miryam Bouchard (M’entends-tu ?) peut ainsi évoquer la quête d’une jeune fille entrant dans l’adolescence en utilisant le cadre très particulier dans lequel elle a elle-même évolué. Étant la fille de Bill le clown (Patrick Huard), un amuseur public qui refuse toutes les conventions, Laura (Jasmine Lemée) grandit dans un environnement où toute règle est pratiquement proscrite. Douée à l’école, même si elle doit la fréquenter en dilettante à cause des tournées qu’elle effectue avec son père, qu’elle présente sur scène, la jeune fille prend graduellement conscience qu’un autre monde pourrait s’offrir à elle. Et qu’il ne correspond pas du tout à celui que son clown de père, pétri d’incompréhension, souhaiterait pour elle.

Car, enfin, pourquoi diable quitterait-on un monde empreint de fantaisie pour entrer dans un autre, plus conformiste, mené par l’argent ? Ce monde-là, Bill l’a toujours exécré, préférant vivre pratiquement sans le sou dans une roulotte déglinguée avec sa fille et son fidèle assistant, Mandeep (Robin Aubert). Quitte à se mettre dans le pétrin parfois. Comme cette fois où, embauché par les autorités municipales d’une petite ville pour amuser les enfants dans un parc avant que le maire ne fasse une grande annonce officielle, il s’est fait arrêter parce qu’il a refusé d’interrompre son spectacle au moment où le politicien a voulu prendre la parole…

PHOTO FOURNIE PAR LES FILMS SÉVILLE

Scène tirée de Mon cirque à moi, film de Miryam Bouchard

Le ton juste

Mais au-delà du récit, il y a la manière. Miryam Bouchard, qui cosigne le scénario de ce premier long métrage avec Martin Forget, a trouvé le ton juste pour exprimer la révolte d’une jeune fille envers la vie de saltimbanque qu’on lui a imposée. La cinéaste a su d’une part évoquer l’aspect magique dans lequel Laura grandit, mais elle sait aussi manier l’émotion sans jamais tomber dans les excès de sentimentalisme.

Construit autour d’une relation père et fille, singulière dans le contexte, le film bénéficie des performances de Patrick Huard, remarquable dans le rôle de ce père dépassé qui ne comprend pas grand-chose à l’univers d’une adolescente, et de Jasmine Lemée, une révélation. Miryam Bouchard a su les entourer d’une galerie de beaux personnages périphériques, à commencer par cet assistant que joue Robin Aubert avec sa grâce habituelle. Sophie Lorain, dans le rôle d’une prof sachant déceler le potentiel de Laura, et le couple d’anciens clowns que forment Louise Latraverse et Jean Lapointe ont aussi de très beaux moments.

Mon cirque à moi, qu’on peut voir comme un film de rédemption et de réconciliation, se démarque également grâce à sa facture visuelle et ses images, signées Ronald Plante. À cet égard, soulignons cette scène de procession – splendide et fellinienne – à travers laquelle on fait honneur à la fantaisie de la vie, parce qu’elle mérite aussi d’être célébrée.

Reynald Bouchard, le père de Miryam, aurait sans doute apprécié.

AFFICHE FOURNIE PAR LES FILMS SÉVILLE

Mon cirque à moi

★★★1/2

Comédie dramatique
Mon cirque à moi
Miryam Bouchard
Avec Patrick Huard, Jasmine Lemée, Robin Aubert
1 h 40