Dans ce premier long métrage, dont il signe le scénario et la réalisation, Louis Godbout ne cache pas ses influences. L’ombre de Lars von Trier plane sur ce drame dont le récit s’apparente à une version plus soft d’Antichrist, mâtinée d’une touche de Melancholia dans la construction du personnage féminin principal. Avec, en guise de fil conducteur, une évocation du Roi des aulnes, ce poème classique de Johann Wolfgang von Goethe.

Le cinéaste, ancien prof de philosophie au cégep du Vieux Montréal, explore la psyché humaine à la faveur d’un récit où l’exploration d’une relation de couple emprunte la forme d’un thriller psychologique. Le prélude, très beau, montre une jeune femme en pleine chevauchée dans la forêt, dont les traits se transforment en dessin animé. Des dessins illustrant des extraits du Roi des aulnes apparaîtront ponctuellement au fil de l’histoire intime que partagent Chloé (Laurence Leboeuf) et Mathieu (Patrick Hivon).

Au moment où l’on fait leur connaissance, les deux conjoints se rendent à leur maison de campagne, isolée en pleine forêt. Visiblement, les deux amoureux ont besoin de se retrouver et de refaire leurs forces après avoir vécu un drame (dont la nature est assez vite révélée). Mais au lieu d’apaiser Chloé, dessinatrice de talent, la forêt devient vite une projection des propres angoisses de la jeune femme, d’autant plus que la nature lui envoie souvent des signaux anxiogènes.

Mont Foster s’aventure parfois sur le terrain du surréalisme — c’est une chose plutôt rare au Québec — mais reste néanmoins très centré sur l’esprit d’une femme qui semble devoir aller au bout de son traumatisme pour s’en libérer. Enfin, peut-être.

Laurence Leboeuf propose une composition remarquable dans un rôle difficile, sans jamais trop charger.

AFFICHE FOURNIE PAR K FILMS AMÉRIQUE

Mont Foster

Un personnage plus diffus

Face à elle, Mathieu, procureur de profession, vit les choses de façon très différente. S’il est attentionné envers sa compagne de vie et semble véritablement vouloir lui venir en aide, comme le faisait le personnage de Willem Dafoe dans Antichrist, prêt à tout pour permettre à sa conjointe de survivre, il reste que Mathieu (Patrick Hivon, impeccable) est un personnage plus diffus. Il est d’ailleurs impliqué ici dans une sous-intrigue superflue, qui détourne l’attention de la relation qu’il entretient avec Chloé, laquelle aurait sans doute pu être explorée de façon encore plus approfondie. C’est un peu comme si le cinéaste n’avait pas osé le huis clos intégral et s’était efforcé d’intégrer dans le décor — de façon un peu artificielle — un autre couple (Lucie Laurier et Émile Proulx-Cloutier).

Reste la manière, très engageante sur le plan formel. Sachant manier les atmosphères et les contrastes, Louis Godbout, à l’instar de Lars von Trier, utilise aussi plusieurs pièces classiques — signées Schubert, Bach, Wagner — et instaure d’emblée un climat grave, voire inquiétant, mais jamais glauque.

Magnifié par les performances des deux acteurs, souvent filmés en gros plan, Mont Foster se révèle l’une des belles surprises de la saison.

★★★½

Mont Foster. Un drame de Louis Godbout. Avec Laurence Leboeuf, Patrick Hivon, Lucie Laurier. 1 h 45.

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