Il y avait longtemps que nous n’avions vu au Québec un film dramatique à vocation populaire aussi bien fait.

En s’inspirant très librement du livre qu’ont publié les journalistes André Noël et André Cédilot il y a une dizaine d’années à propos du clan Rizzuto, le scénariste Sylvain Guy (Liste noire, Louis Cyr) a trouvé la matière pour élaborer une histoire riche en rebondissements dramatiques. Aux scènes d’action attendues s’entremêlent aussi les dynamiques particulières de deux familles dont les destins se retrouvent intimement liés.

Car il faut bien le dire, le récit de Mafia Inc n’a strictement rien d’une enquête journalistique. Il n’emprunte en rien l’approche d’un film documentaire non plus. D’ailleurs, même si des éléments du livre ont été utilisés, les noms ont été changés afin de permettre aux artisans d’avoir les coudées franches et d’inventer une histoire spécifiquement écrite pour le cinéma.

Ça commence fort, quelque part au Venezuela dans les années 90. On y voit Vincent Gamache (Marc-André Grondin livre l’une des plus grandes performances de sa carrière), l’homme de confiance du parrain montréalais Frank Paternò (Sergio Castellito, impeccable). Le jeune homme est en train de tramer une importante transaction de drogue dont on connaîtra la nature — et la façon dont elle a été exécutée — au fil du récit. Cet événement servira de prétexte pour relater l’histoire des principaux protagonistes en explorant les liens étroits qu’entretiennent depuis très longtemps les familles Gamache et Paternò. Henri Gamache (émouvant Gilbert Sicotte) est depuis toujours le tailleur chez qui s’habille Frank. Sophie (Mylène Mackay, très juste), fille de Henri et sœur de Vincent, est la fiancée de Patrizio, l’un des fils du clan Paternò.

IMAGE FOURNIE PAR LES FILMS SÉVILLE

Mafia Inc.

Au-delà des affaires clandestines que brasse la famille italo-montréalaise, qui compte en outre s’impliquer dans le projet de construction du fameux pont de Messine, lequel doit relier la Sicile et la Calabre (ce projet a finalement été abandonné dans la « vraie vie »), le récit décrit le mode de fonctionnement de la mafia à travers le parcours d’un jeune homme ambitieux. Vincent, qui souhaite prendre du galon rapidement au sein de la famille italienne, a toutes les caractéristiques du mal-aimé qui tente de combler ses besoins affectifs, peu importent les moyens. À cet égard, les scènes où il confronte son propre père, qui réprouve les agissements de son fils, sont aussi éloquentes que touchantes, d’autant que Henri, qui a fait le vide autour de lui, a tenté de traverser sa modeste vie en exploitant le seul talent qu’il a à ses yeux : couper des vêtements. Chez les Paternò, la confiance que Frank place en Vincent, qu’il considère comme son propre fils, ne fera pas que des heureux non plus.

Efficace et sans complaisance

Sans réinventer un genre déjà très fréquenté ailleurs, mais encore peu exploité au Québec jusqu’à maintenant (on pense inévitablement à la série Omertà), Mafia Inc est d’une redoutable efficacité. Même si ce long métrage est ponctué de scènes très violentes (forcément !), on ne note aucune complaisance dans la manière. Le dénouement, parfaitement surprenant, amène l’idée d’une éventuelle suite. Sera-t-elle produite un jour ? On le souhaite. Le clin d’œil final, percutant, nous ramène aussi à notre propre actualité, tout comme l’a fait Réjeanne Padovani en son temps.

Podz (Daniel Grou), dont le dernier long métrage remontait à King Dave, avait visiblement l’intention d’offrir au grand public un film de qualité. Son pari est fort bien tenu.

★★★★

Drame. Mafia Inc, de Podz (Daniel Grou) avec Marc-André Grondin, Sergio Castellitto, Mylène Mackay. 2 h 23.

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