Plusieurs années avant d'en faire une pièce à succès, Alexis Michalik avait d'abord prévu faire d'Edmond un long métrage. Faute de financement, il avait dû se tourner vers le théâtre.

À l'arrivée, cet écueil s'est sans doute transformé en grâce, car l'adaptation cinématographique de sa pièce, dont il signe lui-même aujourd'hui la réalisation, constitue maintenant, les années de mûrissement aidant, un juste retour des choses.

C'est un peu comme si, enfin, le créateur avait pu donner une forme définitive à ce qu'il avait imaginé au départ, comme s'il avait pu exploiter tout le potentiel de son scénario et lui donner vraiment son souffle.

Edmond est une fantaisie à classer dans la même catégorie que Shakespeare in Love. Michalik se sert en effet du prétexte de la création de l'une des pièces les plus célèbres du répertoire français pour imaginer le processus créatif d'un auteur qui doit pondre une oeuvre sous très grande pression. Avec, en prime, le climat de folie qui l'entoure.

En 1897, Edmond Rostand (Thomas Solivérès) n'a pas 30 ans. Pour conjurer ses angoisses, le jeune auteur, père de deux enfants, propose au grand comédien Constant Coquelin (Olivier Gourmet) l'idée d'une pièce à la fois romantique et héroïque, écrite en vers.

Or, le dramaturge n'a pas encore écrit une seule ligne de cette pièce dont il ne connaît alors que le titre: Cyrano de Bergerac. Ainsi, le récit s'attardera à décrire la course contre la montre dans laquelle s'engage l'auteur afin de livrer sa pièce à temps pour la première, prévue le 28 décembre au Théâtre de la Porte Saint-Martin.

De nombreux obstacles jalonneront évidemment son parcours: l'impatience des financiers, les échéanciers, la troupe de comédiens qui attend les textes de ce «génie», sans oublier tout ce qui se passe dans le cercle intime et familial d'Edmond.

Un lien affectif immédiat

D'une certaine façon, Michalik revisite un pan de la culture française et en extirpe son ADN. D'où, probablement, ce lien affectif immédiat qui s'établit entre la salle et l'écran. Évitant les pièges du théâtre filmé, le cinéaste orchestre une mise en scène dynamique et s'amuse à reconstituer l'époque qu'il décrit et les personnages qui y ont évolué.

Son film emprunte parfois même les allures d'un vaudeville haut de gamme. D'ailleurs, le cinéaste s'est réservé le rôle de Georges Feydeau, le maître du genre. Un hasard?

Edmond se démarque ainsi grâce au propos et à la manière de le livrer, mais aussi grâce à la qualité d'ensemble d'une distribution, dominée par les excellents Thomas Solivérès et Olivier Gourmet, à travers laquelle on sent vraiment l'esprit de troupe. Michalik parvient ainsi à évoquer la magie du théâtre dans un «vrai» film de cinéma, ce qui n'est pas un mince exploit.

Et puis, quelle belle idée, à la fin, de rendre hommage aux plus grands interprètes de Cyrano, de Coquelin, créateur du rôle, jusqu'à Gérard Depardieu en passant par tous ceux qui, au fil de plus d'un siècle, ont fait honneur à la célèbre partition écrite en alexandrins. On se surprend même à rêver d'y voir aussi Gilles Pelletier, Albert Millaire, Guy Nadon et Patrice Robitaille!

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Edmond. Comédie dramatique d'Alexis Michalik. Avec Thomas Solivérès, Olivier Gourmet, Mathilde Seigner. 1h50.

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Affiche fournie par A-Z Films

Edmond