Ne comptez pas sur Yorgos Lanthimos pour offrir un drame historique classique à la britannique. Et c'est bien tant mieux. Le réalisateur grec, révélé à l'échelle internationale grâce à son puissant Canine (Dogtooth) il y a près de 10 ans, n'a rien perdu de son identité de cinéaste singulier, même s'il tourne désormais ses films ailleurs et en anglais.

The Lobster et The Killing of the Sacred Dear ont en effet confirmé la réputation d'un cinéaste qui, cette fois, nous présente un pan de l'histoire de la monarchie à sa façon.

Portant pour la première fois à l'écran un scénario qu'il n'a pas écrit, Yorgos Lanthimos plonge le spectateur à l'époque du règne d'Anne, la toute première souveraine d'un nouveau pays nommé Grande-Bretagne, qui a siégé sur le trône au tout début du XVIIIe siècle.

Les personnages autour desquels l'intrigue de The Favourite a été construite ont réellement existé, mais une fois passés par le prisme imaginatif du cinéaste, ils prennent une dimension pour le moins originale et inattendue. Lanthimos n'hésite d'ailleurs pas à leur mettre parfois dans la bouche un langage très contemporain.

Au coeur du récit, une histoire d'ambition. Fragilisée par une santé précaire - elle souffre de la goutte -, la reine Anne délègue pratiquement ses pouvoirs à son amie et confidente lady Sarah Churchill, duchesse de Marlborough (Rachel Weisz), qui en a plein les bras alors que le pays est toujours en guerre contre la France.

La cour sera pourtant transformée le jour où arrive Abigail Hill, une jeune servante issue d'une famille aristocratique déchue, que sa cousine Sarah prend d'abord sous son aile, croyant s'en faire une alliée. L'ambition de la jeune femme conduira pourtant cette dernière à devenir la nouvelle confidente de la souveraine. Et ce, au grand dam de celle qui occupait la fonction jusque-là.

Tragique et loufoque

Lanthimos a cette extraordinaire capacité de faire exister le tragique et le loufoque dans une même scène. Et il a eu le flair, non moins extraordinaire, de faire appel à Olivia Colman pour interpréter une souveraine qui ne sort pratiquement jamais de sa chambre, constamment entourée des 17 lapins qui lui rappellent ses 17 grossesses dont aucun bébé n'a survécu.

Attendez-vous d'ailleurs à entendre très souvent le nom de cette actrice au cours des prochaines remises de récompenses. Son prix d'interprétation à la Mostra de Venise pourrait avoir un effet d'entraînement.

Mais outre l'éclat de son trio d'actrices (Rachel Weisz et Emma Stone offrent aussi de remarquables performances), The Favourite se distingue avant tout grâce à son style, sa mise en scène, très fébrile, ses angles de caméra inusités, sa direction artistique somptueuse, ainsi que par la qualité de ses dialogues et l'humour qui en émane, parfois frontal, parfois plus diffus. 

Même si le dénouement laisse songeur (amateurs de conclusions bien ficelées, soyez prévenus!), voir ces trois guerrières qui se débattent à leur manière dans un monde «viril», où les hommes sont cependant réduits à des rôles d'abat-jours, est une pure jubilation.

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The Favourite (V.F.: La favorite). Drame historique de Yorgos Lanthimos. Avec Olivia Colman, Emma Stone, Rachel Weisz. 1 h 59.

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The Favourite, de Yorgos Lanthimos

Image fournie par Fox Searchlight