À une époque où une certaine interprétation très carrée de la masculinité semble vouloir resurgir un peu partout dans le monde, que voilà un film bienveillant.

Cette espèce de Full Monty à la française, un genre de comédie sociale qu'on trouve habituellement davantage chez les Anglais que chez nos cousins, aborde de vraies questions à propos du mal-être des hommes - et sur la façon de l'enrayer -, tout en distillant de bons gags.

D'où, probablement, le succès phénoménal que Le grand bain obtient en France depuis sa récente sortie. Dès le départ, on nous explique la géométrie et son aspect invariable, pour mieux prouver ensuite - pendant tout le film, à vrai dire - qu'en vérité, oui, on peut parfois faire entrer des ronds dans des carrés.

Le récit se concentre d'abord sur Bertrand (Mathieu Amalric). Dépressif, il ne travaille plus depuis deux ans et sort rarement de sa maison, où habitent aussi une épouse qui l'aime (Marina Foïs, toujours impeccable) et un fils ado qui le déteste. C'est en voyant une petite annonce à la piscine - aucune expérience requise, dit-on - que Bertrand est poussé, par une curiosité inattendue, à se présenter à l'équipe de nage synchronisée masculine de l'endroit, qui cherche un nouveau membre.

C'est là qu'il rencontre les autres nageurs, tous des quadragénaires fatigués de leur vie comme lui, avec qui il parviendra à tisser un lien de solidarité et d'amitié, à défaut de rivaliser un jour avec Sylvie Fréchette.

Là se situe l'une des réussites du film. Le cadre plus improbable dans lequel le récit est campé permet à ces hommes issus de différents milieux d'échanger sur une base égale.

Gilles Lellouche, qui signe seul un long métrage à titre de réalisateur pour la première fois, soigne aussi les deux jeunes personnages féminins qui prennent en charge cette bande de mecs perdus, des anciennes nageuses dont la carrière a dû prendre fin abruptement (Virginie Efira et Leïla Bekhti).

Des invraisemblances qui fonctionnent!

On aura évidemment du mal à croire à la performance du groupe aux Championnats du monde en Norvège, une sélection due à l'absence totale d'une autre équipe masculine en France, mais l'ensemble fonctionne néanmoins sur le plan narratif grâce aux accents comiques que contient cette histoire, qui priment tout le reste. Le fait de s'immiscer furtivement dans les vies de tous les personnages, sans jamais trop s'y attarder, contribue aussi à créer un lien empathique réel.

Et puis, il y a ce plaisir de voir quelques-uns des meilleurs acteurs français se mouiller de la sorte et exposer les failles de leurs personnages plein écran. Des pointures comme Mathieu Amalric, Benoît Poelvoorde, Jean-Hugues Anglade (formidable en vieux rocker qui se croit toujours) et Guillaume Canet se révèlent à la hauteur, mais Philippe Katerine vole le spectacle grâce à un personnage aussi drôle qu'attachant.

Gilles Lellouche, qui signe le scénario avec Ahmed Hamidi et Julien Lambroschini, propose ainsi, sous le couvert de l'humour, un film plus profond qu'il n''y parait. Les angoisses existentielles des hommes qu'il filme ne sont pas réglées pour autant, mais il y a quand même quelque chose d'émouvant à les voir apprendre à garder la tête hors de l'eau. Et gagner en dignité en étirant la jambe.

* * * 1/2

Le grand bain. Comédie de Gilles Lellouche. Avec Mathieu Amalric, Benoît Poelvoorde, Guillaume Canet. 2 h 02.

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Le grand bain