Le récit est fictif, mais il trouve son inspiration dans une réalité trop familière. En guerre évoque en effet les conséquences d'un écosystème économique mondial dans lequel de grandes entreprises n'hésitent pas à cesser leurs activités à un endroit pour se relocaliser ailleurs, malgré des concessions importantes de la part des salariés et les grands profits qu'elles engendrent.

Là réside d'ailleurs la source de l'indignation et de la colère de ces ouvriers français qui, furieux d'apprendre la fermeture de leur usine, en dépit d'importantes concessions salariales, exigent une rencontre avec le président directeur général allemand de l'entreprise.

Il y a trois ans, Stéphane Brizé s'était déjà aventuré dans le drame social avec La loi du marché, film qui avait valu à Vincent Lindon le prix d'interprétation du Festival de Cannes. Retrouvant le cinéaste pour la quatrième fois, l'acteur se glisse cette fois dans la peau d'un leader syndical, pris dans la tourmente d'une situation aussi injuste qu'inattendue, désormais orchestrée à l'étranger par la haute direction d'une entreprise multinationale. En guerre possède indéniablement une communauté d'esprit avec La loi du marché, d'autant que le cinéaste emprunte la même démarche dans sa quête d'authenticité, mais il expose le problème social d'un autre point de vue. Mû par son indignation, il se place cette fois du côté de ceux qui ont choisi de gueuler plutôt que de subir.

UNE PERFORMANCE MAGISTRALE

Les luttes, les négociations, la colère des salariés, les dérapages, la mauvaise foi des dirigeants allemands, qui n'ont jamais vraiment eu l'intention de vendre l'usine à un repreneur français, tout est ici illustré avec une rigueur quasi documentaire. Dans ces circonstances, la performance de Vincent Lindon se révèle d'autant plus magistrale, car il se fond à merveille dans une distribution composée en bonne partie de non-professionnels. Crédible de bout en bout, entièrement investi dans sa partition, l'acteur incarne à la perfection ce type de Français moyen, issu du monde ouvrier, qui n'a plus que ses convictions pour se battre.

Du même souffle, Stéphane Brizé place son film sous haute tension en lui donnant des accents de thriller. Il fait aussi écho au fossé qui s'élargit entre les riches et les pauvres, de même qu'aux difficultés que rencontre une classe moyenne de plus en plus fragilisée.

Malgré son approche, à travers laquelle on sent bien la révolte personnelle, le réalisateur de Mademoiselle Chambon propose un portrait équilibré, où les points de vue des uns et des autres, même irréconciliables, évitent tout manichéisme.

Un film comme En guerre ne peut probablement pas changer le monde, mais il parvient quand même à nous le faire comprendre un peu mieux. D'où son importance.

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En guerre. Drame social de Stéphane Brizé. Avec Vincent Lindon, Mélanie Rover et Jacques Borderie. 1 h 53.

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Image fournie par MK2 | Mile End

En guerre