La meilleure carte dont dispose Ricardo Trogi en tournant ses films autobiographiques est Ricardo Trogi lui-même. Et cette carte, il la joue à merveille.

Sa façon de raconter son histoire avec détachement, sa capacité d'autodérision, surtout lorsqu'il est question de son rapport aux femmes, son regard tantôt critique, tantôt tendre ou ironique sur sa famille et ses amis font qu'on regarde ses films comme on feuillette un vieil album de photos.

Manifestée dans 1981 et 1987, cette générosité du coeur s'exprime de nouveau avec 1991, nouvelle comédie « alla Trogi ». Personne ne sera dépaysé dans cette histoire où, maintenant âgé de 21 ans, Ricardo (Jean-Carl Boucher) part subitement en Italie pour rejoindre Marie-Ève Bernard (Juliette Gosselin), censée être la femme de sa vie.

Or, la réalité rattrape ce que s'est imaginé (retenez ce mot) un Ricardo soumis à mille et une situations avec lesquelles il devra composer.

Attachant Ricardo

Comme dans les films précédents, le réalisateur a entouré son héros de personnages secondaires drôles et colorés tels un voyageur hippie (Alexandre Nachi), un tombeur africain (Mamoudou Camara), une amoureuse grecque insistante (Mara Lazaris). Ceux-ci s'ajoutent aux incontournables membres de la famille, dont une Sandrine Bisson survoltée dans le rôle de Claudette, mère de Ricardo.

Autres constantes : une trame sonore de feu, le vrai Ricardo racontant son histoire en voix hors-champ et quelques scènes (juste assez) fantasmées par le personnage central. À cet effet, les plans où Ricardo se voit dans un film italien en noir et blanc sont magiques.

Le film n'est pas sans défaut. Quelques passages tournent longtemps à vide. Le personnage d'Arturo (Nachi), un pivot dans l'histoire, aurait gagné à être davantage défini au lieu d'être abandonné à son côté cabotin. L'emploi des mots « Canada » et « tab... » est tellement répétitif qu'il en devient assommant.

Il reste quand même un Ricardo attachant, magnifique, superbement incarné, comme toujours, par Jean-Carl Boucher en pleine symbiose avec l'attachante et talentueuse Juliette Gosselin.

Se faire une place

D'un film à l'autre, Ricardo aura toujours été en mouvement, que ce soit à la course, à vélo, en auto et maintenant en avion et en train, pour trouver l'élue de son coeur. Et un peu aussi pour prendre ses distances de sa famille qu'il aime, mais de laquelle il veut gagner son indépendance.

Si ces deux éléments ont été les fils conducteurs de 1981, 1987 et 1991, la quête de se faire une place dans le monde l'aura été, plus subtilement, tout autant.

Dans 1981, Ricardo cherchait à se faire une place dans un gang. Dans 1987, il faisait partie d'un gang. Dans 1991, il est devenu adulte, seul face à son destin. Comme nous l'avons tous été à cet âge, Ricardo est devenu électron libre parmi d'autres électrons libres. Un jeune homme à la croisée des chemins avec son petit bagage de vie. Un jeune homme pétri du sentiment de faire face à quelque chose de plus grand que lui avec ce mélange d'ivresse, de joies, de craintes et de questions qui nous agrippent, nous happent, nous étreignent.

Il s'en sortira. Cette place dans l'univers, Ricardo la construira sur le socle, plus solide qu'il ne croit, de son passé tout en apprenant, et surtout en riant, de ses erreurs présentes et futures. Comme le cinéaste a su si bien le faire. Autrement, la vie risque d'être longue. Très longue.

Ciao, Ricardo ! Et bonne route.

Le film prend l'affiche mercredi.

***1/2

COMÉDIE

1991

Ricardo Trogi

Avec Jean-Carl Boucher, Juliette Gosselin et Alexandre Nachi

1 h 41



Image fournie par Les Films Séville

Affiche de 1991