D'abord, parlons un peu techno. Plusieurs cinéphiles québécois espéraient pouvoir visionner le plus récent film d'Ang Lee dans la forme «révolutionnaire» que le réalisateur de Life of Pi a choisi d'emprunter. Il n'en est rien. Tourné en 3D, en résolution 4K, avec des prises de vues à 120 images par seconde (comparativement à The Hobbit: 48 images par seconde), Billy Lynn's Long Halftime Walk (Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn en version française) peut seulement être vu en format 2D au Québec. Et il est sorti presque en catimini, à l'abri du regard des journalistes.

Pareil traitement, fort inhabituel pour un film réalisé par l'un des maîtres du cinéma contemporain (déjà lauréat de deux Oscars de la meilleure réalisation!), s'explique en partie par un accueil fort mitigé lors de la présentation du film en grande primeur mondiale au Festival international du film de New York le mois dernier. La société Sony, qui agit ici à titre de distributeur, a visiblement revu la stratégie de lancement d'un film qui, en principe, aurait dû créer l'événement. Et à qui on promettait déjà une flopée de citations aux Oscars.

La projection en 2D n'ayant pratiquement plus aucun signe distinctif sur le plan technique, l'on ne peut que se concentrer davantage sur le récit. Et c'est là où le bât blesse.

Portant à l'écran le roman du même nom que l'auteur Ben Fountain a publié en 2012, Ang Lee en a confié l'adaptation à Jean-Christophe Castelli. Ce collaborateur du cinéaste, qui a agi à différents titres au fil des ans, signe ici un premier scénario.

Campé en 2005, le récit décrit le grand contraste entre ce qu'un jeune soldat, Billy Lynn (Joe Alwyn, un nouveau venu) a vécu au front en Irak, et les activités de cirque auquel il doit se prêter à son retour à titre de héros national. Une caméra ayant capté un acte courageux, qu'il a effectué en tentant de porter secours à un sergent attaqué par l'ennemi, le soldat est effet devenu une star grâce à cette séquence, diffusée en boucle sur les grands réseaux.

Avec les camarades de son régiment d'infanterie, Billy a ainsi été rapatrié par l'administration Bush pour parader devant le bon peuple pendant deux semaines. Tout en sachant très bien qu'il retournera au front bientôt afin de poursuivre sa mission.

Une grande hésitation

Le titre fait référence à une participation de Billy, et des camarades de l'escadron qui l'accompagne, au grand spectacle de la mi-temps d'une (fausse) équipe de la NFL, organisé à l'occasion des fêtes de la Thanksgiving. Le groupe Destiny's Child (toujours filmé de dos ou de côté pour créer illusion) en est la vedette. Au cours de ce spectacle à grand déploiement, ponctué de nombreux effets pyrotechniques, des souvenirs traumatisants remontent à la surface et s'immiscent dans la réalité. Le cynisme envers les attitudes complaisantes, et souvent hypocrites, qu'on entretient à son endroit en est d'autant plus attisé. Le sommet est atteint lorsque le propriétaire de l'équipe (Steve Martin) tente de soutirer une entente à rabais pour obtenir le droit de porter l'histoire de Billy et de ses camarades au grand écran.

Le principal écueil de ce film réside sans doute dans l'hésitation apparente d'Ang Lee. On a l'impression que le cinéaste, célébré avec raison pour tant de grands films (The Ice Storm, Tigre et dragon, Brokeback Mountain, sans oublier le plus méconnu - mais formidable - Lust, Caution), craignait de plonger véritablement dans l'aspect satirique du récit. Son film comporte quelques belles scènes (grâce à Garrett Hedlind particulièrement, remarquable dans le rôle d'un sergent), mais l'ensemble manque singulièrement de mordant. Dommage.

* * 1/2

Billy Lynn's Long Halftime Walk (Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn). Drame d'Ang Lee. Avec Joe Alwyn, Kristen Stewart, Garrett Hedlund. 1h50.

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