On ne pouvait y échapper : Alice in Wonderland ayant rapporté plus de 1 milliard au box-office, une suite était inévitable. Six ans plus tard, la voici.

Et elle est décevante. Pas visuellement, puisque le style gothique de Tim Burton, l'une des grandes forces du film inaugural, est repris. Mais sur le plan narratif, le bât blesse cruellement.

Très librement inspirée de la suite des aventures d'Alice, que Lewis Carroll avait décidé de réexpédier au pays des merveilles à travers un grand miroir, Alice Through the Looking Glass de James Bobin (The Muppets) suit des sentiers très battus et, surtout, rabote les personnages dont il enlève toute rugosité subversive et extirpe toute fantaisie.

La scénariste Linda Woolverton fait ici ce qu'elle fait quand le matériau original n'abonde pas : elle écrit de façon sage et plate. Et tue la magie au détour. Comme elle l'a fait avec Maleficent, dont le scénario bancal ne décollait pas.

Pour celui d'Alice in Wonderland, elle avait beaucoup pigé dans les deux livres. Il ne lui restait pas grand-chose pour meubler un autre film. Elle a donc appliqué son imaginaire prudent au monde pétaradant et volontairement absurde de Lewis Carroll. Un monde où règne le non-sens.

Sans étincelles autres que celle, factice, des effets spéciaux (bien sûr de qualité), de la direction artistique de Dan Hennah et des costumes de Colleen Atwood, mais au fil d'une réalisation peu inspirée de James Bobin, Alice Through the Looking Glass nous remet en présence d'Alice Kingsleigh.

Trois années (et non six mois) se sont écoulées depuis qu'elle a mis les pieds au pays des merveilles, d'où elle avait émergé pour rompre ses fiançailles avec l'insignifiant Hamish (Leo Bill). Elle parcourt à présent les mers à bord du bateau qui appartenait à son défunt père et dont elle est aujourd'hui capitaine. Mais son ex-fiancé est toujours dans le décor. Par affaires. Et il est prêt à manger le plat froid de la vengeance.

ARRÊTER LE TEMPS

La jeune femme risque ainsi de tout perdre.

Sauf qu'elle répond au nouvel appel du pays des merveilles, où elle doit en quelque sorte arrêter (le) Temps pour empêcher que cet endroit de rêve ne vire au cauchemar. Lorsqu'elle y débarque, le Chapelier fou se meurt et la Dame de coeur en exil tente de retourner sur son trône.

Si Sacha Baron Cohen, accent mal assumé, regard bleu factice, n'est ni drôle ni effrayant dans la peau du Seigneur du Temps, Johnny Depp est touchant dans sa reprise du Chapelier qui, soudain obsédé par le sort de sa famille disparue, s'éteint de l'intérieur comme de l'extérieur.

Quant à Helena Bonham Carter, elle vole de nouveau chaque scène où apparaît sa Reine rouge (créature hybride dans laquelle se mêlent l'actrice et les images de synthèse) dont on découvre l'enfance, où s'est joué un drame impliquant sa soeur, la Reine blanche (Anne Hathaway).

Bref, on nous sert des histoires des origines que l'on n'avait pas demandées. Et lourdes d'une morale qui n'a absolument rien à voir avec ce pays subversif dont Tim Burton (qui agit ici à seul titre de producteur) avait, au moins, compris les rouages.

Alice Through the Looking Glass (V.F. : Alice de l'autre côté du miroir) **1/2. De James Bobin. Avec Mia Wasikowska, Johnny Depp. 1 h 43.