À la fin des années 70, Miles Davis (Don Cheadle) traverse une période artistiquement stérile, la pire de son existence. Reclus dans le luxe de son appartement new-yorkais, il combat la douleur d'une hanche esquintée et, surtout, l'angoisse de la page blanche.

Sa tête est vidée de toute inspiration, le terme ayant pris un autre sens: il a le pif rempli à ras bord. Sa technique en a pris pour son rhume (de cocaïne), il s'enfonce dans l'inaction, rumine ses années de gloire et ses erreurs passées.

Un journaliste cogne à sa porte, lui suggère d'écrire le texte de son grand retour pour le magazine Rolling Stone. Irrité, Miles répond à Dave Braden (Ewan McGregor) en lui mettant son poing dans la figure. Après qu'il a repoussé violemment la proposition, le vent tourne: le musicien se propose d'utiliser ce scribe au visage pâle qu'il méprise d'entrée de jeu, il l'entraîne avec lui dans un tourbillon rocambolesque de représailles contre la music business, le tout entrecoupé d'épisodes «stupéfiants».

Miles et son partenaire cherchent à récupérer un enregistrement inédit qu'un producteur sans scrupules, Harper Hamilton (Michael Stuhlbarg), lui a piqué lors d'une fête organisée à son domicile. Cette chasse à la bande maîtresse, faut-il déduire, met en relief la personnalité contradictoire (un euphémisme) du fameux musicien. Sur ce parcours du combattant, il croisera le protégé et complice du producteur véreux: Junior (Lakeith Lee Stanfield) est un jeune virtuose de la trompette qui lui rappelle lui-même... et sa propre déchéance.

La trame dramatique de Miles Ahead est entrelardée de flashbacks d'une existence extraordinaire, illustrés musicalement avec des pièces mises en lumière dans des albums mythiques - Kind of BlueSketches of SpainSeven Steps to Heaven et autres Nefertiti. Sauf exception (Gil Evans), les pointures ayant accompagné Miles au fil de ces années ne sont pas clairement évoquées, le scénario se concentre plutôt sur la relation houleuse du musicien avec la danseuse et actrice Frances Taylor (Emayatzy Corinealdi), qu'il a épousée en 1958. Star de la danse moderne, elle avait abandonné sa carrière sous la pression de son conjoint autoritaire, jusqu'à ce que ce mariage s'écroule dans la violence conjugale et l'adultère.

Sans complaisance, la réalisation met en relief ce côté brutal du trompettiste, qu'on connaissait, mais... pas à ce point! Colérique, caractériel, bagarreur, violent, armé et... paradoxalement visionnaire, ouvert d'esprit, brillant.

Entre ses pétages de coche, Miles Davis regagnait l'autre pôle de sa personnalité pour ainsi redevenir cet être profondément subtil, créateur de haute volée. 

Il s'agit du premier long métrage de Don Cheadle à titre de réalisateur. Celui-ci en a aussi coécrit le scénario avec Steven Baigelman et y interprète le rôle principal. Alors? Si les flashbacks de Miles Ahead s'avèrent très réussis, si les traits de la personnalité du grand jazzman sont justement soulignés, le film de son passage à vide laisse perplexe. Ce collage de faits apparemment véridiques prend les allures d'un film de gangsters un peu trop léger, limite caricatural.

On peut aussi être déçu que la musique, ce pourquoi on s'intéresse à l'oeuvre de Miles Davis, ne soit pas le moteur principal de ce biopic

Choix éditorial...

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DRAME BIOGRAPHIQUE. Miles Ahead. De Don Cheadle. Avec Don Cheadle, Emayatzy Corinealdi, Ewan McGregor. 1h40.

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PHOTO FOURNIE PAR SONY PICTURES CLASSICS