À Riverton, Betty (Sonya Salomaa) s'emmerde ferme. Elle rêvait d'être Joni Micthell; elle n'est que Betty. Des envies d'ailleurs jamais assouvies, elle espère changer d'air. Ses concitoyens, eux, rêvent de voir le tueur en série de l'endroit prendre le large.

À côté de Betty, il y a sa mère. Psychotique, enfermée. Sa soeur, tristement égoïste, prête à tout pour qu'un homme consente à l'aimer. Son ex, qui mise sur l'ouverture d'un restaurant pour réinventer sa vie, minable elle aussi. Ses collègues du snack, et leurs histoires.

Quand débarque François (James Hyndman), beau gosse venu d'ailleurs, attiré par le fait divers local, Betty se méfie. Se braque. Puis se laisse peu à peu séduire par l'homme. Mais les drames ne finissent pas de se succéder les uns aux autres.
Près de la rivière Miramichi, le film superpose les misères humaines des personnages à la présence de l'un des serial killer les plus connus du Canada, Allan Légère. Emprisonné pour meurtre au Nouveau-Brunswick, Allan Légère avait semé la terreur en s'évadant, et en tuant plusieurs personnes pendant sa cavale, à la fin des années 80.

L'ombre du tueur plane sur le village et sur les personnages, mais ne vole pas la vedette à Betty. Incapable, tout comme le tueur, de rompre avec un univers dans lequel elle se sent coincée.

Après Sous-sol, premier long métrage remarqué de Pierre Gang, le réalisateur s'était tourné vers la télévision. Ce second long métrage, et premier entièrement tourné en anglais, marque le retour du réalisateur au grand écran.
Pierre Gang a su créer une ambiance glauque, étouffante, sans excès. L'histoire de Betty, scénarisée par un nouveau venu dans le cinéma, Jeremy John Bouchard, propose une plongée dans les frustrations humaines.

On remarquera la prestation convaincante de Sonya Salomaa, connue pour ses rôles à la télévision canadienne anglaise, qui campe une Betty désespérée, accablée, puis renaissante. Peut-être parce que la comédienne a elle-même du fuir un trou perdu. Le film, tourné en moins de trois semaines au Nouveau-Brunswick, est bien rythmé et parvient à recréer une ambiance étouffante, grise, morne. Portée par une belle trame sonore (signée, entre autres, Fredric Gary Comeau), le film questionne avec violence la face noire de nos vies.

Dans ce registre, on pense à Fargo, des frères Coen. Toutefois, et en dépit des qualités esthétiques indéniables de Black Eyed Dog, le spectateur regrettera de ne pas vraiment cerner ou comprendre Betty, ses errances, ses doutes. On effleure ses drames, comme ceux des personnages secondaires pourtant servis par des comédiens de talent (Anne-Marie Cadieux) sans empathie.

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BLACK EYED DOG. Drame de Pierre Gang avec Sonya Salomaa, David Boutin, Anne-Marie Cadieux, James Hyndman et Brendan Fletcher. 91 minutes.

Riverton, au Nouveau-Brunswick. Betty rêve d'ailleurs, alors qu'un tueur en série continue à sévir dans le village.

Une ambiance glauque à souhait dans laquelle s'épanouissent les drames.