Les premières images des Citronniers d’Eran Riklis rappellent celles de Chocolat de Lasse Hallström alors que Juliette Binoche caresse, presse, moue les gousses de cacao. Ici, Hiam Abbass palpe, choisit, tranche les agrumes. La sensualité est la même. L’humanité aussi, dans ces quelques gestes pleins de promesse.

Et c’est ce qui transcende de ce nouveau film du réalisateur de La fiancée syrienne, son humanité. Son approche très naturelle, fine, pas tape-à-l’oeil et à hauteur d’homme (ici, de femme), rappelle le travail de Ken Loach. Dans la forme, mais aussi dans le propos, dans cette manière de se pencher sur des gens ordinaires qui mènent des combats extraordinaires — mais sans esbroufe, avec une force tranquille et une ténacité auxquelles il est possible de croire et facile d’adhérer.

Les citronniers, donc, c’est l’histoire de Salma (Hiam Abbass, formidable). Elle est veuve. Elle vit des revenus provenant de la citronneraie que son père lui a léguée, plantée sur la frontière de la Cisjordanie. Train-train quotidien, en compagnie du vieux serviteur, Abu (Tarik Kopty, magnifique et émouvant).

Et soudain, tout déraille. Le ministre israélien de la Défense (Doron Tavory) et son épouse, Mira (Rona Lipaz Michael, tout en retenue mais non moins expressive), viennent s’installer à proximité. Si près que les services secrets jugent la plantation dangereuse. Et si des terroristes l’utilisaient pour s’y cacher, pour lancer une attaque? On installe des miradors, une clôture, des caméras. Pas assez. Il faut raser les arbres.

La vie prend alors un goût amer pour Selma, qui engage un avocat (Ali Suliman) et va se battre, jusqu’en Cour suprême, pour protéger son bien. C’est David contre Goliath. C’est la Palestinienne écrasée par la botte juive. C’est une femme aux prises avec, d’un côté, un système aveugle et des décisions absurdes; et de l’autre, des hommes qui devraient être alliés mais qui, au bout du compte, ne lui mettent que des bâtons dans les roues.

Ç’aurait pu être d’un manichéisme insupportable. C’est au contraire d’une finesse et d’une intelligence qu’il fait bon et beau de voir. Pour le lien muet que Selma et Mira vont tendre en elles. Pour la dignité et la beauté du personnage admirablement campé par Hiam Abbass. Pour les dernières images, dont on ne dira rien sinon qu’elles valent beaucoup plus que les mille mots proverbiaux. Seul bémol: l’histoire d’amour que le scénariste et réalisateur israélien a imaginée entre Selma et son avocat. Elle est touchante mais floue, et semble plaquée-là, détournant l’attention du spectateur. Le coeur, le propos du film, battent ailleurs.

Les citronniers est présenté en version originale en hébreu et en arabe, avec sous-titres français à Ex-Centris et sous-titres anglais (Lemon Tree) au AMC Forum.

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***1/2
Drame d’Eran Riklis. Avec Hiam Abbass, Rona Lipaz-Michael, Ali Suliman, Tarik Kopty, Doron Tavory. 1h42

Une veuve palestinienne se bat en cour contre le ministre de la Défense israélien qui, pour des raisons de sécurité, veut faire abattre sa citronneraie.

Évitant le piège du manichéisme, le beau portrait d’une femme qui se tient droite face à un système aveugle et borné.