Si vous êtes du genre à scruter à la loupe les étiquettes des aliments au supermarché ou à vous méfier comme de la peste de la restauration fast food, le documentaire Food, Inc. (Les alimenteurs en version française) risque de vous conforter à jamais dans votre paranoïa.

Avec le souci d'aller au fond des choses et une grande capacité de synthèse, le réalisateur Robert Kenner explore les coulisses l'industrie agroalimentaire américaine, où une poignée de conglomérats règnent en rois et maîtres sur des consommateurs qui bouffent sans le savoir (ou en préférant ne pas le savoir) des aliments douteux.

Oubliez les images bucoliques de fermiers cultivant leurs terres, comme tente de le faire croire la publicité. Ce "fantasme pastoral" n'a rien à voir avec la réalité. L'industrialisation, les subventions gouvernementales et la mainmise des conglomérats ont fait disparaître les petits agriculteurs au profit de quelques gros joueurs qui ont transformé radicalement le contenu de nos assiettes.

Immenses chaînes de montage


Aux États-Unis, quatre grossistes se partagent 80 % du marché du boeuf haché. Dans les années 70, le pays comptait des milliers d'abattoirs; il n'en reste plus qu'une douzaine. Avec comme résultat que les usines de transformation de viande sont devenues d'immenses chaînes de montage, où le bétail est abattu à une cadence phénoménale. Dans ces conditions - et en sachant qu'une simple galette de boeuf haché peut provenir de plusieurs animaux - , les mesures prophylactiques en prennent alors pour leur rhume.

Dans les poulaillers, ce n'est guère mieux. La volaille croît deux fois plus rapidement qu'il y a un demi-siècle. Grâce aux antibiotiques et aux hormones de croissance, le poulet qui prenait autrefois trois mois à venir à maturité y parvient maintenant en seulement 49 jours.

Si le tiers des terres américaines cultivables est consacré à la culture du maïs (largement subventionnée), ce n'est pas un hasard. La majorité des produits sur les tablettes des épiceries renferme des dérivés de cette céréale. On s'en sert aussi pour nourrir le bétail. Oubliez l'herbe verte des pâturages, les ruminants bouffent maintenant du maïs, ouvrant ainsi la voie aux cas d'intoxication alimentaire à la bactérie E. coli, qui trouve dans cette nouvelle alimentation du bétail un terrain fertile à sa propagation.

Au passage, le documentaire flirte avec le pathos, avec l'histoire de cette mère, dont le jeune fils est mort d'une intoxication alimentaire, et qui multiplie les démarches auprès du gouvernement pour amener l'industrie à être plus vigilante. Un côté human interest facile et démagogique.

Les alimenteurs (traduction boiteuse) possède le mérite de faire réfléchir - si le message n'aurait pas encore été compris - sur l'origine et la composition de nos aliments. Avec, en prime, la trouille d'aller faire son épicerie et une envie de fréquenter davantage les marchés publics.

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Premier plan

Un champ à vol d'oiseau. Une moissonneuse-batteuse. Un cow-boy à cheval surveillant son bétail.

Arrêt sur parole

"Quand on critique le boeuf haché au Colorado, on risque l'emprisonnement."

au générique

Cote : *** 1/2

Titre : Les alimenteurs (Food, Inc.)

Genre : documentaire

Réalisateur : Robert Kenner

Acteurs : -

Salle : Le Clap (version française)

Classement : général

Durée : 1h34

On aime : l'intelligente synthèse des faits et la recherche fouillée

On n'aime pas : le côté démagogique de l'épisode de la mère éprouvée par le deuil de son fils, le prêchi-prêcha en épilogue