Marie Guyart, dite de l’Incarnation, était un esprit absolu dont la vocation, apparemment dictée par la voix du ciel, est indissociable du destin de la Nouvelle-France. Dans Folle de Dieu, le cinéaste Jean-Daniel Lafond a cherché à lever le voile qui couvre cette figure majeure de notre histoire.

L’originalité de cette production de l’ONF repose largement sur sa structure. Jean-Daniel Lafond s’inté¬resse d’abord à la démarche interprétative qu’entreprennent la comédienne Marie Tifo et la metteure en scène Lorraine Pintal afin de cerner le personnage de Marie de l’Incarnation. On assiste à leurs rencontres successives avec différents spécialistes dont l’historienne Dominique Deslandres, la musicienne Louise Courville et la chorégraphe Marie Chouinard.

La dimension didactique, très présente au début, cède peu à peu la place à l’interprétation pure. Marie Tifo s’abandonne de plus en plus au texte pour éventuellement entrer elle-même dans l’état d’extase décrit par la mystique dans l’abondante correspondance qu’elle a adressée à son fils. De ce point de vue, la réalisation est admirable.

La trame musicale composée d’authentiques œuvres d’époque pour voix et viole de gambe ainsi que les décors naturels du couvent des Ursulines de Québec offrent un cadre idéal au propos tout en y ajoutant une touche de lyrisme dépouillé.

Folle de Dieu possède toutefois les défauts de ses qualités. À force de mettre continuellement l’accent sur la comédienne et sur sa quête, c’est Marie Guyart elle-même qu’on finit par perdre un peu dans l’ombre. L’exaltation de Marie Tifo a d’ailleurs aussi quelque chose de trop recherché, ce qui se traduit par une impression d’emphase stylistique, voire de préciosité.

À ce propos, Jean-Daniel Lafond pousse un peu loin la mesure quand, mu sans doute par la soif de vérité, et comme pour faire comprendre à quel point un prie-dieu est inconfortable, il choisit de faire un gros plan sur le genou endolori de Marie Tifo.

On peut aussi contester les moyens qu’il emploie pour raconter l’histoire intérieure de Marie de l’Incarnation. Ici, Marie Tifo se lance dans une danse qui rappelle celle du derviche tourneur. Là, dans un exercice de méditation s’apparentant davantage à la philosophie taoïste qu’à la mystique chrétienne. J’avoue que je trouve ces illustrations plus déroutantes qu’éclairantes.

En comparaison, sœur Gabrielle Noëlle et sœur Marguerite Chénard, deux ursulines de Québec qui apparaissent à quel¬ques reprises à l’écran, tiennent un discours beaucoup plus simple, plus posé et, conséquemment, plus convaincant.

Cela dit, Folle de Dieu couvre plusieurs angles intéressants touchant à Marie de l’Incarnation, notamment son approche missionnaire, très respectueuse de la culture autochtone et en ce sens diamétralement opposée à celle de l’Église catholique à l’époque, ou encore sa conception fort expressive de la liturgie qui déplaisait tant à Mgr de Laval.

Le film démontre enfin à quel point l’héritage de la bienheureuse rejoint des préoccupations contemporaines et combien il reste précieux, ne serait-ce que du point de vue culturel, pour notre temps.