Bernard Émond tourne ces jours-ci le troisième volet de sa trilogie théologale à Normétal, en Abitibi, à plus de 700 km au nord-ouest de Montréal. C'est là que le personnage de Jeanne Dion, qui a fait son apparition dans La neuvaine, a décidé de poursuivre sa carrière de médecin. La Presse  a visité le plateau de tournage.

«J'espère que vous avez apporté un manteau. Il y aura de la neige.»
C'était la semaine dernière. Alors que le petit avion venait à peine d'atterrir à Rouyn-Noranda, l'agent de bord recommandait aux passagers de bien se couvrir avant de mettre le nez dehors. Le temps était gris, froid et humide. Et il restait quelque 150 kilomètres à parcourir en voiture pour arriver à Normétal.

Au bout du périple, finalement, le petit village de 902 âmes se pointe à l'horizon. La rue principale est bordée par de petits restaurants. On y retrouve aussi le Centre des loisirs. Puis à deux pas de là: l'église. À l'intérieur, des dizaines de fidèles écoutent attentivement le prêtre: «Manon avait 40 ans. Quarante ans, c'est trop jeune pour mourir.»

Ces funérailles paraissent réelles. Pourtant, c'est de la pure fiction. Il s'agit ici d'une scène des Fins dernières, un film de Bernard Émond. Les gens assis dans l'église - dont la plupart habitent Normétal - sont des figurants. Sous la robe du curé se cache le comédien Michel Daigle, le Nounou de Lance et compte.

Après La neuvaine et Contre toute espérance, le réalisateur est en train de mettre le point final à sa trilogie. Pour ce faire, il ramène à l'écran Jeanne, personnage principal de La neuvaine, incarné par Élise Guilbault. En guise de décor, il a jeté son dévolu sur l'Abitibi. Le temps humide et gris qu'il faisait en ce 17e jour de tournage plaisait au réalisateur. Selon lui, les couleurs ressortent mieux à l'écran lorsque c'est nuageux.

Ainsi, quelques années ont passé pour Jeanne Dion depuis La neuvaine. Urgentologue à Montréal, elle décide de répondre à l'appel d'un vieux médecin de Normétal, le Dr Rainville, qui doit s'absenter quelques semaines pour un voyage. Mais l'homme, à l'aube de la retraite, se cherche également un successeur. Au départ, Jeanne ignore si elle se sent prête à pratiquer pour de bon dans ce petit village où la proximité avec les patients tranche avec le type de relation professionnelle qu'elle entretient à Montréal. Mais le vieux Dr Rainville (Jacques Godin) meurt à son retour de voyage. Et Jeanne décide de reprendre le flambeau.

«Le film tourne autour du devoir et de la transmission, a expliqué Bernard Émond, lors d'une rencontre avec les médias la semaine dernière au Centre des loisirs de Normétal. On parle de la transmission d'un médecin à un autre, d'une génération à une autre.»

Éric Hoziel, Angèle Coutu et Sylvain Marcel font également partie de la distribution du film, qui dispose d'un budget de 4 millions.

L'action des Fins dernières s'organise autour de six morts, raconte le réalisateur. «Et on se trouve à suivre sept ou huit petites histoires.» On y retrouve une vieille dame qui perd son époux et qui devient la confidente de Jeanne. Il y a cet homme qui quitte sa femme au moment où il apprend qu'elle est atteinte du cancer.

Le retour de Jeanne

Toute l'action tourne autour de Jeanne. Pourquoi la faire revivre dans ce troisième film? L'idée de ramener le personnage ne date pas d'hier. «Depuis la fin de La neuvaine que je me demande ce qui arrive avec ce personnage-là», confie Bernard Émond.

Élise Guilbault a tout de suite voulu embarquer dans l'aventure lorsque le réalisateur lui a annoncé «qu'il n'en avait pas fini avec elle». «J'étais contente de me retrouver sous la direction de Bernard, dit la comédienne, emmitouflée dans son foulard. Je pense que sur 33 jours de tournage, je suis absente deux jours. Cette fois-ci, je suis gavée de gros plans. Il y a quelque chose d'étrange à être autant observée.»

Mais le fait de se retrouver en sol abitibien, où 90% du film est tourné, lui permet de se consacrer entièrement à Jeanne.

«Je suis vraiment contente d'être ici, dit-elle en ne tarissant pas d'éloges pour les gens du coin, qui n'ont à son endroit que finesses et attentions. Le ciel, ici, n'est pas comme les autres cieux au Québec.»

C'est ce qui explique pourquoi Bernard Émond caressait depuis quelque temps le projet de tourner en Abitibi. «J'ai fait une tournée de la région il y a trois ans avec La neuvaine. J'ai passé cinq jours sur la route. Je voyais les paysages qui défilaient et je me suis dit qu'il fallait faire un film ici», raconte-t-il.

«Normétal est une ville qui attendait son film, croit-il. C'est une ville qui ne veut pas mourir.»
Bernard Émond n'a que de bons mots pour la région et les gens qui l'habitent. «On a tourné partout: dans les maisons des gens, à l'hôpital. On vole des plans à tout bout de champ.
«Et ils sont généreux en maudit, les Abitibiens, souligne-t-il. Ils donnent leurs meilleurs spots de pêche aux gars de l'équipe technique!»