Trois réalisateurs, trois scénaristes, trois personnages principaux, mais un seul film. Premier long métrage signé par des diplômés de l'INIS (l'Institut national de l'image et du son), D'encre et de sang est un bel exemple de la beauté du cinéma. Un art où la force du travail d'équipe demeure au service d'une vision personnelle du monde. Portrait en trois volets de ses artisans.

Alexis Fortier Gauthier et Martin Desgagné (Sébastien)

D'encre et de sang est un drame construit par petites touches, autour de l'histoire d'un libraire (Sébastien) et d'un manuscrit mystérieux que le libraire va chiper dans le sac d'un écrivain haïtien qu'il admire.

Si l'union fait la force, la nécessité fait loi. Écrit, produit et réalisé par sept diplômés de l'Institut national de l'image et du son, le long métrage a été réalisé avec un microbudget de 150 000 $. Pendant plusieurs mois, les créateurs se sont réunis pour réfléchir tant à l'histoire qu'à la structure. 

«On a évoqué la forme, allant du triptyque au film choral ou à sketches», explique l'un des trois réalisateurs, Alexis Fortier Gauthier. «Or, rapidement, on a décidé de faire un long métrage et non trois courts métrages collés, autour d'une seule histoire qu'on partage en trois segments, mais qui a la même facture.» 

«À l'origine du projet, la productrice Jeanne-Marie Poulain a eu l'idée de rassembler des créateurs de sa cohorte à l'Institut national de l'image et du son autour d'un projet collectif », poursuit Alexis. On fait un gros travail de répétitions avant le tournage, pour être tous sur la même longueur d'onde, et porter une seule et unique histoire.»

«J'avais envie de jouer le rôle de Sébastien, le libraire qui rêve de devenir un auteur connu, dit Martin Desgagné. J'ai rarement personnifié ce type de personnage, très simple, doux, tout en intériorité. Il est plein de bonne volonté, mais il ne prend jamais les bons moyens pour y parvenir. Sébastien est très malhabile.»

Maxim Rheault et Lysandre Ménard (Sacha)

Si chaque réalisateur a dirigé un segment, le trio était toujours présent sur le plateau pour l'ensemble du tournage de 19 jours. «C'est une expérience intéressante pour les acteurs, puisque chacun avait le regard d'un réalisateur différent d'une partie à l'autre. Mais tout le monde était au service de l'histoire et non des ego», dit Maxim Rheault.

Lysandre Ménard incarne Sacha, la fille un peu paumée de Sébastien, qui a un rapport trouble avec les hommes. «Tout s'exprime par le regard, les silences, les non-dits, dit la jeune actrice. Au départ, il y avait beaucoup de scènes très tordues, très sexuelles, mais je n'étais pas encore prête à faire ça au cinéma. D'un commun accord avec les réalisateurs, on a enlevé des scènes, tout en conservant le côté sombre et trouble du personnage.»

Photo André Pichette, La Presse

Le réalisateur Maxim Rheault et la comédienne Lysandre Ménard

Francis Fortin et Iannicko N'Doua (Sidney)

«C'est par l'esprit que l'homme s'élève, c'est par le coeur qu'il se libère.» 

Cette phrase est en exergue du prochain livre de l'auteur haïtien (joué par Fayolle Jean) qui disparaît au milieu du film, en laissant son manuscrit derrière lui. Un récit qui dévoile un pan mystérieux de son passé en Haïti. «Le thème de départ D'encre et de sang est la trahison d'un être cher», dit l'acteur Iannicko N'Doua, qui incarne Sidney, le fils de l'auteur. «Mon personnage a une part d'ombre en lui. Il aura à faire le deuil de son père et de ses illusions. Il devra faire la paix avec le passé de ses proches.»

S'ouvrir vers l'ailleurs et représenter le Montréal actuel dans un film à petit budget, avec peu de personnages et de lieux, tel était le désir des cinéastes. «Ce qui est important, c'est que les personnages haïtiens soient aussi ancrés dans l'histoire que Sébastien et Sacha. Avec Sidney, on a un jeune homme métissé et totalement enraciné à Montréal», explique le réalisateur du dernier segment, Francis Fortin.

«Je considère que les auteurs du film, tous des trentenaires, font partie d'une génération de Montréalais prête à intégrer des personnages de la diversité culturelle», dit Iannicko N'Doua. «Au cinéma, je peux m'appeler Frank ou Johnny et ne pas avoir d'accent, même si je suis d'origine africaine», illustre l'acteur de 33 ans.

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D'encre et de sang prend l'affiche le vendredi 9 décembre.